Quarante migrants, refoulés de Fès, sont arrivés avant-hier, en début d'après-midi, à Ben Guerir, dans le sud marocain, à bord de bus affrétés par les services de la gendarmerie royale. Selon Hassane Ammari, militant des droits humains, basé à Oujda dans l'Oriental, «sans crier gare, les migrants cantonnés près de la gare de Fès ont été embarqués dans deux bus, sans eau ni victuailles, en direction de Ben Guerir, via Beni Mellal, dans le sud du pays». Ce revirement de situation des autorités chérifiennes étonne plus d'un, en ce sens que le roi Mohammed VI avait entamé, il y a plus de deux ans, la régularisation des Subsahariens en situation irrégulière sur son sol. Ces refoulements subits actionnés par le Maroc surviennent simultanément avec ceux d'Alger et d'Oran. Et du coup, les militants des droits de l'homme des deux pays soupçonnent une entente entre Alger et Rabat pour cette besogne inhumaine. MaliActu.net n'y va pas avec le dos de la cuillère pour accuser l'Algérie d'avoir «empoché 3 milliards d'euros de l'Union européenne pour chasser les migrants subsahariens de son territoire». «Nos voisins (l'Algérie) seraient aidés par l'Agence de surveillance des frontières et côtes européennes (Frontex). (…) En retour, l'Algérie se frotte les mains avec une cagnotte de 3 milliards d'euros pour mener une chasse sans merci aux Africains qui veulent entrer en Europe via la Méditerranée…» Frontex aide les Etats membres de l'UE et les pays associés à gérer leurs frontières extérieures. Ladite agence contribue également à harmoniser les contrôles aux frontières au sein de l'UE. Dans une lettre ouverte au président de la République algérienne, à partir de Tunis le 8 octobre, les syndicats et les organisations de l'Afrique subsaharienne affirmaient : «L'Algérie est le pays que beaucoup parmi nous, les signataires de cette présente lettre, n'ont pas eu la chance de découvrir, pour diverses raisons, dont la restriction de la liberté de circulation qui est devenue la règle générale dans la région et, bien entendu, l'imposition du système de visa consulaire. L'Algérie a toujours été présente en Afrique, et surtout que l'Afrique a toujours été présente en Algérie durant les pires années que certains pays africains avaient traversées. Injonction ? Nous avons l'honneur de vous interpeller, Monsieur le président de la République, pour vous faire part de nos profondes et inquiétantes préoccupations suite aux informations qui nous parviennent de nos confrères syndicalistes algériens, et de certains de nos concitoyens, nos frères et nos sœurs, travailleurs migrants subsahariens qui se font arrêter et expulser. Les arrestations se poursuivent dans les rues d'Alger, et ce, depuis plus de 10 jours. A Oran, la deuxième ville du pays, les migrants ont été surpris ce matin même par les opérations de rafles. Jusqu'alors, personne n'arrive à comprendre les raisons du déchaînement de cette terrible violence psychologique, voire physique dans certains cas, envers les Africains subsahariens. Nous, les représentants des syndicats, des centrales syndicales et organisations qui travaillent dans le domaine de la migration des pays de l'Afrique, réunis à Tunis, nous prions les autorités algériennes de bien vouloir mettre fin aux expulsions massives en cours en ce moment, ne plus procéder aux rapatriements des travailleurs migrants vers des pays dont ils ne sont pas originaires, de protéger les personnes réfugiées reconnues par le BAPRA, et demandeurs d'asile enregistrées auprès du HCR, contre toute expulsion forcée et de promouvoir les possibilités de régularisation des travailleurs migrants vis-à-vis de leur séjour irrégulier…». La décision prise presque simultanément entre l'Algérie et le Maroc répond-elle à une quelconque injonction dictée de l'Union européenne ? Il s'avère presque vrai, aujourd'hui, que les profondes tranchées creusées par l'armée algérienne et le haut grillage érigé par le gouvernement chérifien sur le tracé frontalier sur près de 150 km répondent à une décision politique de retenir les Subsahariens sur leur continent.