L'affaire du blocage de l'usine de trituration de graines oléagineuses du groupe Cevital sera portée, une nouvelle fois, dans la rue. Une marche aura lieu ce matin, à partir de 10h, dans la ville de Béjaïa, à l'appel du comité de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements dans la wilaya, qui revient à la charge, galvanisé par un élargissement de son cercle. Six comités de soutien ont été créés la semaine dernière à travers plusieurs wilayas du pays : Oran, Blida, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine et Skikda. Ceux-ci et d'autres, comme un bus prévu en partance de Bouira, seront présents aujourd'hui à l'action de Béjaïa en se faisant représenter par leurs carrés qui promettent de grossir les rangs des marcheurs. C'est la troisième fois que l'on marche pour dénoncer les entraves à la concrétisation de l'usine de Cevital, après la première action de rue du 25 mai dernier et la seconde le 3 juillet passé. En plus de la multiplication des comités de soutien, la marche d'aujourd'hui intervient dans un contexte particulier qui s'est lesté du poids de certains faits aggravants. A commencer par l'incendie qui a pris à l'intérieur du complexe de fabrication de sucre à l'arrière-port de Béjaïa il y a à peine 9 jours (le 20 octobre) et dont on a soupçonné un acte de sabotage. Le feu a failli, pour rappel, être plus dévastateur pour les installations du complexe agroalimentaire en entier. Ce week-end, la direction de Cevital a rassuré, dans un communiqué, le retour à la normale de sa production de sucre. La marche d'aujourd'hui intervient dans ce climat de doute alors que la police scientifique, qui s'est déplacée sur les lieux du sinistre pour les besoins de l'enquête, n'a pas encore communiqué ses résultats. La manifestation se déroulera ce matin aussi face au silence radio de la part des autorités publiques, qui observent une attitude d'indifférence royale au conflit qui perdure entre la direction du port et Cevital. Le premier responsable du secteur des Transports, le ministre Abdelghani Zaalane, a superbement ignoré le problème lors de sa visite de travail, le 9 octobre, dans la wilaya. La même attitude est observée par le Premier ministre, interpellé par un groupe de députés de diverses sensibilités politiques, en plénière de l'APN. Le silence d'Ahmed Ouyahia est le plus assourdissant, puisqu'émanant d'un ex-directeur du cabinet de Bouteflika qui s'est affiché publiquement contre le blocage du projet de Cevital. Les marcheurs d'aujourd'hui battront le pavé avec le fort sentiment d'injustice depuis qu'on a révélé la politique des deux poids, deux mesures qui a favorisé deux usines de trituration de graines oléagineuses en projet dans le port de Djendjen (Jijel), et qui ont toute l'attention des autorités. C'est d'ailleurs par le plan de masse de ces deux projets et une photo de l'incendie du 20 octobre que l'on a illustré l'appel à la marche de ce matin. Avec le procès en diffamation, qui est en cours, intenté au porte-parole du comité de soutien par le directeur général du port, ce sont toutes ces données qui font de cette troisième marche une action différente des deux qui l'ont précédée. Ses organisateurs l'appellent «la marche de la dignité». «Par notre marche du 29 octobre 2017, nous avons l'ambition de construire un consensus national autour du soutien aux travailleurs de Cevital et au déblocage des investissements du plus grand investisseur du continent. Il s'agi,t dans un premier temps, de gagner la bataille de l'opinion nationale par un travail d'explication et de sensibilisation continu et constant, et de créer ensuite le rapport de force nécessaire pour imposer le déblocage des investissements de Cevital et à la sauvegarde de ses emplois», écrit le comité. La création de six autres comités de soutien, dans lesquels se sont investis des représentants de la société civile, l'engage dans la logique de construction d'un rapport de force national et qu'il n'est pas exclu de l'élargir à l'international. Les regards ne se focalisent plus sur le directeur général du port, ils se déplacent vers le sommet de l'Etat. «Le président de la République et le Premier ministre, par leur silence sur le dossier de Cevital, qui est vécu comme un silence coupable et qui risque de devenir complice des lobbys destructeurs de l'investissement productif, doivent réagir vite et de manière ferme pour débloquer les projets de Cevital et rendre sa place à ce groupe, qui fait la fierté de notre pays à l'étranger», interpelle le comité. Mourad Bouzidi, en sa qualité de porte-parole du comité de soutien aux travailleurs de Cevital, considère qu'«il est clair que c'est à partir de la gestion actuelle de cette affaire de Cevital que dépendra la crédibilité du gouvernement Ouyahia».