Israël est prêt à coopérer et à échanger des renseignements avec l'Arabie Saoudite «pour faire face à l'Iran», vient de déclarer le chef d'état-major israélien à un média arabe. Le fait est rare, peut être même unique dans les annales internationales aussi bien militaires que diplomatiques, et c'est pour cette raison que beaucoup ont pris ces propos pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire à forte connotation stratégique. Ce n'est pas une aide comme cela se passe, et encore moins une offre de service ordinaire, mais il suffit d'un mot, en fait d'une réponse saoudienne positive bien entendu, pour constater tous les effets que la position israélienne ne manquera pas d'entraîner. En fait que le monde change de visage, et que les rapports internationaux ne soient plus les mêmes. Qu'on en juge. Toute coopération suppose des relations normales, autrement dit que l'Arabie Saoudite et Israël y soient liées, ce qui n'est pas le cas. Même si des Etats arabes ont franchi la ligne, beaucoup mettent en avant le fameux consensus arabe empêchant tout processus de normalisation. Il est vrai que certains d'entre eux n'en ont pas tenu compte, faisant même preuve d'un certain zèle il y a une vingtaine d'années à l'occasion d'une conférence économique sur le Proche-Orient, avant qu'Israël ne réitère ses menaces à l'encontre du monde arabe. La position de la Ligue arabe étant de ce fait connue depuis l'occupation de la Palestine, celle de l'OCI (Organisation de la conférence islamique, devenue coopération islamique) créée au lendemain de l'incendie de la mosquée El Aqsa en 1969, l'est tout aussi, en amenant cette fois le monde musulman à considérer Israël comme une menace. Rien dans cette position n'a changé, même si en leur sein, les rapports ne sont pas ce qu'ils devraient être. Comme en attestent les conflits réels ou latents, des discours révélateurs d'une situation de crise, mais sans jamais remettre en cause ouvertement, des rapports établis depuis bien longtemps. Comment donc considérer les propos de l'officiel israélien ? Rien d'autre qu'une totale reconsidération des rapports internationaux, lesquels vont bien au-delà de l'espace géographique moyen-oriental, dans leur fondement stratégique, puisqu'Israël cesserait d'être la menace essentielle, encore que durant ces 30 dernières années, les pays arabes ont multiplié à travers leurs sommets jusqu'à celui de Beyrouth en 2002, les offres de paix. Et c'est bien Israël qui s'engage dans cette voie, à travers un exercice plutôt rare, en reprenant et amplifiant un discours sur une nouvelle menace qui serait l'Iran, et cela sans rien toucher au statu quo actuel, c'est-à-dire la poursuite de l'occupation des territoires palestiniens et arabes. Pour beaucoup, ce serait là, la question essentielle. Une diversion au moment où la question palestinienne rebondit dans les forums internationaux avec le statut d'Etat occupé, et donc plus de place aux arrangements et autres solutions imposées par Israël.