Les rues de la Basse Casbah sont envahies par les vendeurs informels de produits pyrotechniques. La vente des produits pyrotechniques est interdite, en théorie seulement, car dans la pratique, ce commerce ne cesse de prospérer. A quelques jours de la fête du Mawlid Ennabaoui, les vendeurs informels de ces produits prohibés commencent à occuper les espaces dans les cités et dans les artères principales. Ils s'approvisionnent principalement dans les rues Amar Ali, Amar El Kama et Bouzrina, qui se trouvent dans la Basse Casbah. Bien que la présence policière soit tout à fait remarquable de par l'existence d'un commissariat de proximité à une quinzaine de mètres de la rue Amar Ali, il n'en demeure pas moins que ces vendeurs sont loin d'être inquiétés. La présence de centaines d'étals, qui proposent à la vente toutes sortes de pétards, donne l'impression que ce commerce est tout à fait légal. A partir de la rue Amar Ali jusqu'à la rue montante de Sidi Abdellah, en passant par la place des Mouahidine, les étals se juxtaposent dans un alignement parfait qui suggère un ordre et une organisation bien établis. Les étals et les présentoirs occupent le moindre espace de la rue, débordent sur la chaussée et envahissent même les cages d'escalier et autres espaces communs des immeubles. Ces étals, quand ils ne sont pas exploités directement par leurs propriétaires, sont loués à d'autres revendeurs contre des sommes faramineuses pouvant atteindre les 40 000 DA. Sur ces étals, qui sont visibles à partir du marché couvert se trouvant à proximité de la sûreté urbaine, les vendeurs squattent pratiquement toute la chaussée. Cette dernière est envahie par toutes sortes de produits pyrotechniques qui arrivent de Chine, de Malaisie et d'Espagne, mais qui prennent des appellations bien de chez nous, «Chitana, Bazooka, Missile, Ben Laden, Double bombe, El Bouq, El Akri, etc.». Le marché est fréquenté essentiellement par les revendeurs de deuxième main. Ils achètent des quantités énormes de ces produits, qu'ils commercialisent par la suite dans leurs quartiers. «A l'approche du Mawlid, nous alimentons plusieurs wilayas. Nous sommes le centre névralgique de ce commerce», confie le propriétaire d'un étal. Dans les entrailles de ce marché tentaculaire, les clients ont un choix large. Les prix de la marchandise varient entre 600 et 1000 DA, pour les pétards les plus petits, et peuvent atteindre 3000, voire 5000 DA pour les feux d'artifice, tels que El Bouq et le Bazooka. D'autres clients, des pères de famille en majorité, achètent uniquement pour fêter la Mawlid. «Les prix sont élevés, mais nous devons fêter comme il se doit la fête du Mawlid», soutiennent-ils. A la rue de La Lyre, comme partout ailleurs dans la Basse Casbah, le commerce de pétards bat son plein. A Djamaâ Lihoud, c'est une véritable braderie qui s'est installée, obstruant même le passage des voitures. Dans cet indescriptible brouhaha, imaginez si les étals venaient à prendre feu. Le risque encouru par les riverains serait certainement dramatique. «Nous avons soulevé ce problème à maintes reprises auprès des autorités locales, mais rien n'a été fait. Les détenteurs de ce commerce fructueux ont pignon sur rue, il est difficile de les déloger», déplore un habitant de la rue. Les craintes soulevées par les habitants des immeubles ne sont pas à ignorer, puisque un gigantesque incendie s'est produit il y a quelques années. Les étals des marchands obstruent l'accès aux camions des pompiers. Le décret 63 du 2 août 1963 interdit pourtant la commercialisation et l'usage de ces produits qui envahissent à l'approche de la fête du Mawlid Ennabaoui les moindres recoins de nos villes. Ce sont ainsi des milliards qui sont brassés par les «pourvoyeurs» qui, eux, restent dans l'ombre.