Les P/APC issus des élections locales du 23 novembre sont appelés à optimiser davantage les dépenses en ces temps de crise et dépenser utile, avec une projection objective sur l'avenir. Les deniers de l'Etat se font rares et le maire a comme principal défi la satisfaction des revendications des citoyens dont il est responsable avec un budget optimisé. Mais le P/APC ne doit pas compter uniquement sur les budgets octroyés par l'Etat, il est appelé à créer de la richesse au sein du territoire, dont il est le premier magistrat. Pour ne pas refaire les mêmes erreurs, où d'énormes sommes d'argent ont été déboursées avec un piètre résultat, les collectivités locales doivent mieux maîtriser leurs finances et leur programme de développement local. Dans une interview accordée à l'APS à la veille des locales 2017, deux experts économistes, Mustapha Mekidèche et Mourad Goumiri, se sont exprimés sur «la problématique de la forte dépendance des collectivités locales aux dotations budgétaires de l'Etat et sur les moyens d'optimiser les ressources financières locales». A la question de savoir pourquoi les collectivités locales demeurent fortement dépendantes des dotations budgétaires de l'Etat, Mustapha Mekidèche répondra avec regret : «L'Algérie a conservé les traditions jacobines centralisatrices de l'Etat français, que nous avons renforcées au moment, d'ailleurs, où ce dernier a fait sa mue dans ce domaine. Au niveau local et régional, l'investisseur quasi exclusif reste l'Etat par les instruments budgétaires que sont le Plan communal de développement (PCD) et le Programme sectoriel de développement (PSD). Les projets financés directement par les collectivités locales restent marginaux compte tenu de la faiblesse structurelle de leurs ressources humaines et financières. Mais avec la chute drastique de nos ressources budgétaires, la problématique du financement du développement territorial est posée dans toute sa difficulté et sa complexité. Donc, c'est le moment de réformer.» Pour l'expert Mourad Goumiri, cette situation «dépend de deux facteurs convergents. Le premier est lié aux prérogatives attribuées par l'Etat aux collectivités locales. Si vous comparez celles-ci à celles qui étaient les leurs dans les années 60 et 70, vous allez remarquer que l'Etat n'a cessé de réduire la marge de manœuvre des collectivités locales à son profit. Le second facteur se situe dans la capacité de gouvernance des équipes communales et le niveau technique des élus et des administrateurs», explique-t-il. «Ces deux éléments combinés font que la dépendance au pouvoir central, c'est-à-dire aux dotations budgétaires et à l'expertise technique, va être de plus en plus forte, rendant au fur et à mesure les collectivités locales ‘‘mineures'' et n'ayant aucun moyen d'intervention», argumente-t-il. Selon l'expert Mourad Goumiri, «la répartition inégalitaire des deniers publics entre les 1 541 communes va accentuer les déséquilibre entre les régions et aggraver la dépendance. Les plans spéciaux de wilaya qui permettaient, à l'époque de rééquilibrer le développement local ont été interrompus. Ce qui a participé à la création de ‘‘poches de pauvreté'' dans certaines régions, alors que dans d'autres, le développement s'accélère». Diversification du financement local Pour Mustapha Mekidèche, «avant de parler de diversification des sources de financement local, il faut s'interroger sur les raisons des mauvaises performances du système de financement local en vigueur. Il était déjà en grande difficulté avant l'apparition de la crise financière du pays qui a commencé au deuxième semestre 2014». Il rappelle les 21 impôts existants, dont les rendements sont faibles mais variables. Les deux plus importants sont la TAP (58%) et la TVA (35%) représentant 93% des ressources des APC. «La TAP a été divisée par deux et certains souhaitent même la voir supprimée. C'est cela qui a plombé les finances locales. Le dernier point qui reste problématique est l'Impôt forfaitaire unique-IFU- (2%) et l'IRG foncier (1%) qui ne participent que de façon dérisoire au financement local. Au niveau local, il faudra faire sauter les niches de rentes : sous-fiscalisation des biens communaux cédés ou concédés, sous-valorisation des biens fonciers communaux et aussi sous-évaluation des services locaux marchands, sans oublier l'évasion fiscale. Donc, les solutions existent. Le tout est de les mettre en œuvre». Question de prérogatives Le P/APC n'est pas souverain dans son territoire et le système fiscal n'arrange guère plusieurs communes dotées d'une zone d'activités, qu'elles soient à vocation industrielle ou commerciale. A Beni Tamou, par exemple, dans la wilaya de Blida, nombreuses sont les sociétés qui ont installé leurs dépôts nécessitant des va-et- vient incessants de grands camions, ce qui endommage sans cesse les routes de cette commune. Le comble est que la localité en question ne profite pas de son ‘‘attractivité'' vu que les sociétés qui y activent ont leur siège social principalement dans la capitale. «Nous avons beau goudronner nos axes routiers, mais la chaussée se détériore vite à cause de la forte circulation des camions. Et dire que nous ne profitons pas pleinement de l'impôt, alors que c'est nous qui payons les pots cassés», nous a déclaré un ancien P/APC de Beni Tamou. «Certaines collectivités locales ont des ressources extrêmement importantes (Hassi Messaoud par exemple), mais toutes ces ressources récoltées par l'Etat tombent dans la trappe du Fonds commun des collectivités locales (FCCL) puis sont réparties par l'Etat aux communes sur des critères non transparents. Dès lors, il y a une démobilisation des acteurs locaux au profit du pouvoir central, les décisions se prenant au niveau central, loin des préoccupations locales», se désole Mourad Goumiri. La question qui se pose est : y a-t-il vraiment un travail de fond, mené par des experts, pour une meilleure répartition des ressources récoltées et avec objectivité et transparence ? Les élus qui se disent animés d'une bonne volonté évoquent les décisions centrales qui pénalisent, selon eux, leur travail de proximité et de développement local. Le même expert préconise un recensement de tous les biens communaux qui doit être «entrepris de manière à éviter son aliénation aux prédateurs qui en jouissent. En outre, il faut les valoriser (création de marchés, aires de loisirs, de sport et de stationnement...) et les développer économiquement (prêts bancaires) puis les mettre à la disposition des besoins des citoyens de la commune, en temps et en heure. Que ce soit le patrimoine forestier, les plages, les sites touristiques, de la faune et de la flore, ainsi que l'immobilier, le patrimoine communal doit faire l'objet d'une gestion active qui est elle-même génératrice de ressources fiscales conséquentes», avant de conclure : «Une définition plus pointue des prérogatives des uns et des autres est souhaitable afin d'éviter les chevauchements et autres zones d'ombre.»