Dirigeants africains et européens se retrouvent aujourd'hui dans la capitale ivoirienne pour leur cinquième sommet dans un contexte extrêmement difficile, et même dramatique, avec les milliers de disparus sur les chemins de la migration, illégale bien entendu, et ce que beaucoup n'hésitent pas à qualifier d'esclavage des temps modernes. A croire que l'on est loin des promesses et même des engagements auxquels ont souscrit les deux parties, puisque le mouvement migratoire réel, mais pas unique indicateur de l'état des populations africaines, en est révélateur. Que l'on en juge. Lors du premier sommet, celui d'avril 2000, ont été adoptés la déclaration du Caire et son programme d'action, celui de Lisbonne (2007) paraissant assez précis (2008-2010) pour qu'il soit relevé. Suivra une déclaration de Tripoli en 2010, avant un autre engagement du même genre, et surtout à Bruxelles en avril 2014, une feuille de route pour 2014-2017 avec l'objectif de répondre aux défis communs et d'apporter des avantages concrets aux citoyens des deux continents. On remarquera d'emblée une évolution dans l'approche de la coopération, avec à chaque rencontre des objectifs et des perspectives plus précis. Sauf que la réalité tend cependant à rattraper ce discours, et le ramener à son point de départ, autrement dit, un projet qui tarde à se concrétiser. Les flux migratoires en sont au moins une preuve consolidée par les récentes déclarations, y compris de dirigeants européens qui considèrent que la pauvreté en est la cause, et surtout qu'il faut agir en amont. Un discours développé dès le début de ce millénaire. La décennie du développement décidée par l'ONU a été perdue de vue. Les mêmes questions reviennent pourtant avec insistance, alors même que des approches jugées partiales ont été dénoncées. Comme celle qui consiste encore et toujours à ériger de nouvelles frontières pour endiguer le flux migratoire, jusqu'à ce que l'ONU tire la sonnette d'alarme. Et dans quelles conditions ! Refusant de faire dans la généralité, et surtout de se taire, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme ne s'est pas contenté de dénoncer, le 14 novembre dernier, la détérioration des conditions de détention des migrants en Libye. Il a aussi jugé inhumaine la coopération de l'Union européenne avec ce pays. L'idée de nouvelles frontières avec des centres de rétention est apparue dans plusieurs approches supposées promouvoir la coopération. Elle a donc atteint ses limites, et elle contraint de ce fait non pas à des révisions, mais plus simplement au retour à ce qui était convenu, il y a de cela des décennies déjà. Ce qui signifie ainsi que, comme l'a rappelé l'ONU, «toute approche censée doit inclure un ensemble de mesures fortes pour assurer une paix durable dans les pays affectés par les conflits ainsi que le développement économique et social dans les places d'origine». Ou encore, redonner de l'espoir. Ce qui suppose une plus grande ouverture, ce qui est déjà le cas avec la présence d'autres partenaires conférant en quelque sorte à l'Afrique un caractère attractif et même hautement stratégique.