Nous ne pouvons pas être un témoin silencieux de l'esclavage des temps modernes», vient de déclarer le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, au sujet de la situation imposée aux migrants africains en Libye. Il fallait dire la vérité quoi qu'il en coûte, et il l'a fait sans rien omettre à travers un état des lieux qui identifie les parties en cause. Il en est ainsi de l'Europe, elle qui tente par tous les moyens d'endiguer le flot migratoire, identifier les voies de passage afin de les rendre infranchissables. C'est le sens à donner à toutes les promesses, et très certainement de l'engagement conclu avec la Libye, qui a cessé d'être un centre de rétention depuis la chute de l'ancien régime pour devenir le principal point de passage vers l'Europe, et le territoire des passeurs, ce qui pose un sérieux problème d'autorité. Au plan statistique, et selon les derniers chiffres de l'OIM (Organisation internationale pour les migrations) publié mardi dernier, environ 157 000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la mer depuis le 1er janvier (contre quelque 341 000 durant la même période en 2016). Près de 3000 sont morts en tentant la traversée. Efficacité des barrières mises en place ? Dans quelles conditions, ne manque-t-on pas de souligner dans les rapports officiels basés sur des données chiffrées et des témoignages probants ? Et c'est ce qui a amené le responsable onusien à traiter ce problème qui révolte la conscience humaine, et surtout désigner très clairement les parties en cause. Et là, il met en cause la coopération qu'il a qualifiée d'inhumaine de l'UE (Union européenne) et la Libye. Aussi déclarera-t-il à ce sujet que «la communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye, et prétendre que la situation ne peut être réglée qu'en améliorant les conditions de détention», parlant d'«outrage à la conscience de l'humanité». On remarquera par ailleurs que ce rapport intervient tout juste 24 heures, sinon moins, après une rencontre du groupe de contact sur la route migratoire en Méditerranée centrale, réunissant des pays européens et africains, dont la Libye, une manière toute particulière d'en commenter le contenu, voire de le rejeter. C'est très certainement le cas, puisque y constate-t-on, «les interventions croissantes de l'UE et de ses Etats membres n'ont jusqu'à présent pas servi à réduire le nombre d'abus subis par les migrants». Et encore moins l'étendue de cette question puisque, selon les chiffres cités par l'ONU, 19 900 personnes se trouvaient dans ces centres début novembre, contre environ 7000 à la mi-septembre. Ce serait donc là l'ultime parade de l'UE afin d'endiguer ce flot, du moins le croit-elle, et cela après avoir envisagé d'autres recours, comme des investissements massifs à certains pays africains, comme cela a été rappelé le 7 juin dernier. Ou encore, et c'est récent, identifier les réfugiés «dès le territoire africain». Pas convaincant à la lecture des commentaires du Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés en soulignant que «toute approche sensée doit inclure un ensemble de mesures fortes pour assurer une paix durable dans les pays affectés par les conflits, ainsi que le développement économique et social dans les places d'origine». Plus simplement, dira la responsable de la diplomatie européenne, «le problème c'est la pauvreté», un point de vue partagé par des dirigeants africains qui soulignent, dans le même temps, qu'«on est habitué à des annonces de nos partenaires depuis des années. Nous voulons des choses concrètes». Mais autant rappeler que des engagements ont été pris il y a près de 20 ans dans le cadre de l'ONU. La décennie du développement l'avait-on appelée. Qui s'en souvient ?