Sévèrement critiquée pour ses politiques migratoires qualifiées de cyniques, et son abandon de l'opération de sauvetage «Mare Nostrum» qu'elle refuse d'appuyer financièrement, l'Union européenne répond aujourd'hui aux appels incessants de la communauté internationale. Celle-ci l'interpelle sur la mort de plus de 1 700 migrants depuis le début de l'année, soit un nombre 30 fois plus important qu'à la même période de l'année dernière. Rien que pour ce mois d'avril, les chiffres officiels donnent plus de 1 300 victimes. Le dernier naufrage en date, le 20 avril dernier, ayant fait plus de 400 morts. Un autre, le plus meurtrier, s'est produit dans la nuit de samedi 18 avril à dimanche 19 avril, au large des côtes libyennes, faisant 800 morts. C'est particulièrement celui-ci qui a ébranlé les populations et les Etats à travers le monde et relancé le débat sur l'urgence de mettre en place une politique européenne qui sera à même de répondre efficacement aux demandes croissantes d'asile vers l'Europe. Surtout en cette période de grand chaos en Libye qui fait croître davantage le flux migratoire, à la faveur de la liberté de circulation et de mouvement des migrants et des passeurs. Le 16 avril, il a été fait état de la noyade de 40 migrants et le 12 avril de 400 naufragés. C'en est trop, ça ne doit pas continuer comme cela, s'élèvent des voix, parmi les politiques et les organisations humanitaires. La tenue, aujourd'hui, de ce sommet extraordinaire vient aussi en réponse à une demande du Premier ministre italien qui déclare l'Italie incapable de faire face seule à une telle situation et sollicite donc une aide, voire une action commune de tous les pays de l'EU afin de contourner le phénomène. Pour le responsable italien, il s'agit de «combattre ensemble les passeurs en méditerranée, marchands d'esclaves du 21e siècle», et «d'intervenir à long terme pour aider les pays au sud de la Libye à se stabiliser». Ce n'est pas seulement une question de sécurité et de terrorisme, poursuivra-t-il, mais de dignité humaine. Dans une déclaration adoptée à l'unanimité, les 15 pays membres de l'UE ont exprimé leur «ferme soutien aux pays riverains qui font face à cette crise» et ont recommandé «d'intensifier la coordination des efforts internationaux pour renforcer la réponse à cette crise et protéger les migrants des trafiquants». Condamnant «ce trafic», les pays membres de l'UE ont souligné «la nécessité de poursuivre en justice les responsables». Certains de ces pays parlent, d'ores et déjà, d'interventions musclées ciblées en Méditerranée, à l'exemple du Premier ministre britannique, David Cameron, déclarant, notamment, la guerre aux passeurs. «Nous ne pouvons pas continuer comme cela, nous ne pouvons pas accepter que des centaines de personnes meurent en essayant de traverser la mer pour venir en Europe», a affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l'annonce de la tenue de la réunion. «Si nous n'agissons pas maintenant, la crise va prendre des proportions dangereuses dans les mois qui viennent», a mis en garde, de son côté, le commissaire européen en charge du dossier, Dimitris Avramopoulos. Pour sa part, le Conseil de sécurité de l'ONU a appelé à «davantage de coopération pour faire face à la crise migratoire en Méditerranée». Il a aussi souligné la nécessité de poursuivre en justice les passeurs. Pour les «humanitaires», la solution réside dans l'ouverture des frontières et dans un traitement équitable des demandes d'asile, qu'il faudrait départager entre les différents pays européens. Le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a sévèrement critiqué l'UE pour notamment son changement de politique vis-à-vis des migrants, depuis particulièrement l'année 2013. Il a demandé à la communauté internationale «d'ouvrir une enquête indépendante sur les naufrages en Méditerranée». De son côté, Amnesty international, dans un rapport dénonçant les «naufrages de la honte», publié hier, a réclamé à l'Union européenne «des mesures concrètes, en particulier le lancement immédiat d'une opération humanitaire internationale». «Nous espérons qu'enfin l'Union européenne prenne la mesure de sa responsabilité», a déclaré Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty international France. «Il est temps que l'Union européenne comprenne que la fermeture des frontières n'est pas tout», a-t-elle souligné, en ajoutant : «Espérons qu'après plusieurs naufrages, particulièrement meurtriers, sauver la vie des gens devienne une priorité par rapport au contrôle des frontières.» L'ONG évoque l'opération Mare Nostrum et dénonce les «conséquences dramatiques» de son abandon. K. M.