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Les outrages implicites à la subjectivité , ou les nouveaux béni-oui-oui de la périlleuse «modernité occi(re)dentale»
Contributions : les autres articles
Publié dans El Watan le 03 - 12 - 2017


Par Amin HADJ-MOURi
Docteur en psychopathologie, psychanalyste
Cet écrit a pour but de préciser et de fonder plus avant les arguments que j'ai développés dans le précédent article se référant aux énoncés de Kamel Daoud. Il s'agit de dégager de ces derniers une énonciation qui mette au jour une position subjective (une façon particulière de métaphoriser la structure subjective), laquelle rend compte de la place accordée au sujet en tant qu'il représente l'altérité comme une négation du moi (l'individu conscient de lui-même et conçu comme une entité abstraite, en soi, dotée de pouvoirs d'autonomie et de souveraineté, favorisant les errements mégalomaniaques et/ou paranoïaques).
L'INFERNALE QUÊTE DE LA COMPLETUDE ET LA MISE à MORT DU SUJET
La «modernité occi(re)dentale» (celle qui met à mort le sujet et que développe un certain Occident, avec le concours de ses sbires de par le monde) englobe, selon moi, toutes les théories contemporaines qui confondent -de manière obscurantiste- le progrès avec les illusions ontologiques entretenues par des discours prédicatifs promettant une complétude, conjointe à l'exclusion du sujet, et partant, celle de l'inconscient. Ces théories passent pour celles qui promeuvent un progrès, dont est censée bénéficier une majorité d'individus, toujours prêts à se «débarrasser» du sujet, d'autant plus qu'il leur nuit en les inquiétant, et en les troublant par l'altérité intime qu'il leur dévoile.
TOUTE TENTATIVE DE SUTURE DU DEFAUT CONSTITUTIF DE TOUT ÊTRE PARLANT («BEANCE CAUSALE»), BUTE SUR UN IMPOSSIBLE, UN DES NOMS DE DIEU
Ces précisions étant apportées sur les parades modernes contre la subjectivité, je ne peux m'empêcher d'évoquer ce piètre et piteux spectacle offert par l'émission littéraire «La grande librairie» du 7 septembre 2017 sur France 5 ! Son animateur, François Busnel, nous a présenté un duo maghrébin de choc, réunissant Leïla Slimani (prix Goncourt 2016) pour son enquête sur la sexualité au Maroc (Sexe et mensonges. La vie sexuelle au Maroc (Les Arènes.2017) et Kamel Daoud, pour son dernier roman Zabor ou les psaumes. (Actes Sud 2017).
Peu me chaut la personne de Daoud, peu m'importe sa biographie ou sa «personnalité»! Il en est de même pour Leïla Slimani. Plutôt que de célébrer plus ou moins béatement ces auteurs, comme le fait le système médiatique français, je les honorerais -sans apologie aucune- parce qu'ils m'offrent l'occasion et la possibilité de problématiser leurs propos et leurs énoncés, dont les énonciations leur échappent fatalement, puisque ce sont leurs lecteurs qui les construisent, à tort ou à raison.
Ainsi, Kamel Daoud aide à montrer que lorsqu'il parle ou écrit, l'univocité sémantique cède le pas à la polysémie et à la signifiance, quel que soit le sens qu'il vise à transmettre auprès de ceux qui le lisent et l'écoutent, témoignant par là même -en toute méconnaissance de cause-, qu'aucun sens ne peut être identifié au signifié. Par ce biais, il contribue, à son corps défendant, à mettre au grand jour et sous ses yeux -jusqu'à les «crever» (cf. Œdipe)- notre dépendance et notre soumission à l'ordre symbolique et au signifiant, dont une des caractéristiques essentielles consiste en l'impossibilité de se signifier lui-même.
D'où la nécessité, pour un signifiant, de faire appel à un autre -dont il devient dépendant, parce qu'il le soutient- pour concrétiser le sens qu'il vise et convoite. Ainsi, le sens ne peut faire l'économie d'une articulation signifiante, qui sous-tend dès lors une métonymie transfinie. Aussi, lire revient-il à évider des énoncés et à réactiver par là même la signifiance, contre laquelle se révolte -paradoxalement- le symptôme : il dénonce celle-ci, peut même l'entraver, mais il est susceptible aussi de participer, si on l'y «aide» sérieusement, à sa mise au jour. Il ne faut donc jamais le prendre en mauvaise part, ni le dévaloriser en envisageant son éradication par tous les moyens.
Les plus obscurantistes et les plus violents parmi ceux-ci, réunissent aussi bien, sous couvert de pragmatisme, les méthodes biocentristes scientifiques que les différents exorcismes et autres mancies dégradantes pour le sujet. Ils renforcent «l'illettrisme», qui refuse l'idée que tout symptôme contienne des éléments nécessaires à son élucidation. Tout comme une histoire, individuelle ou collective, n'est qu'un palimpseste continu, constitué de destructions et de reconstructions renouvelées de récits et de fictions, dont les traces persistent, même si l'effacement a eu lieu, et continue d'avoir lieu.
Alors qu'il est dit dans le Prologue de l'Evangile selon St Jean «Au commencement était le verbe», l'islam, lui, enjoint ou invite d'emblée à lire, laissant entendre que la lecture renvoie quoi qu'il en soit à la parole, qu'elle s'exprime de manière orale et/ou écrite.
D'ailleurs, que ce soit en arabe dialectal ou en arabe classique, le vocable : livre (kitab), subsume l'écrit en s'appuyant sur la racine k.t.b, qui signifie écrire. Le Coran, par son nom, implique la lecture. Même un seul livre engendre une multiplicité de lectures et d'interprétations.
Le problème le plus grave apparaît lorsqu'une interprétation univoque est imposée par un détenteur de pouvoir, qui récuse le réel, laissant accroire que la réalité qu'il produit à partir de sa lecture s'identifie totalement avec ce dernier. Si la polysémie persiste malgré tout, et dans tous les cas, c'est bien parce que ce réel est impossible à maîtriser : il échappe et confirme la soumission à l'ordre symbolique de tous ceux (hommes et femmes confondus) qui ne souffrent pas la féminité en tant qu'elle met en évidence une incomplétude radicale, qui n'a rien à voir avec l'impuissance et l'incapacité. Le réel permet à la signifiance de se matérialiser et rend possibles des constructions et des fictions multiples, dont la diversité témoigne de leur commune impossibilité à le dominer et à le dompter.
La prestation télévisuelle que j'évoquais plus haut, fut une soirée consacrée aux déplorations et aux récriminations appelant l'empathie compassionnelle de ceux qui, en Occident en l'occurrence, ont réussi à vaincre ces «tares» qui obèrent encore la vie sexuelle dans les pays du Maghreb, comme ceux du «monde arabe ou arabo-musulman» en général, «c'est kif-kif bourricot !», «du Maroc jusqu'en Jordanie», précisera K. Daoud, au cours de l'émission.
Les interprétations menées à l'aune quasi exclusive du facteur ethno-confessionnel, élevé au rang de déterminisme essentiel univoque et hégémonique, participe à la dédialectisation des articulations possibles entre déterminations locales et détermination globale, et met en œuvre une causalité fondamentalement indigente sur les plans logique et épistémologique. Ainsi, si Kamel Daoud peut expliquer les exactions sexuelles perpétrées à Cologne (Les viols de la St Sylvestre) par certains individus en raison de leur appartenance ethnique et confessionnelle, peut-il mettre en avant ce même facteur pour nous éclairer sur les agissements et les méfaits sexuels d'un grand producteur de cinéma hollywoodien, Harvey Weinstein, et de bien d'autres encore ?
La perversion «djihadiste» fait écho à l'extrême-droitisation de l'Occident, qui se concrétise à travers cette «modernité occi(re)dentale», marquée par le retour en force, entre autres, de théories neurobiologiques et psychologiques, fondamentalement essentialistes et racistes, qui promeuvent, grâce à des sciences prédicatives fausses, une complétude pleine et entière, réservée à certains «méritants». Ces perversions prétendent lutter pour le bien de l'humanité en niant ce qui confère à l'être parlant sa consistance spécifique, à savoir ce «troumatisme», qui assujettit, chacun et tous, à un ordre symbolique, dont la particularité fait que, pour pouvoir prétendre s'en affranchir, il est impossible de ne pas en passer par lui, et ainsi, montrer sa dépendance à son égard.
L'INDIVIDU N'EST PAS LE SUJET. IL EST LE FERMENT DE LA TYRANNIE DU GROUPE CONTRE LA SUBJECTIVITé
Célébrer et sacraliser sans cesse l'individu comme un progrès que n'ont pas encore atteint certaines sociétés, en raison de la répression et de l'oppression du groupe, de la communauté et du pouvoir politique qui y règnent, n'a de valeur que si on ne méconnaît pas sa négation, à savoir le sujet de l'inconscient. Faute de quoi, tous les adeptes de ces inepties prônant le triomphe de l'individu peuvent se retrouver, surtout s'ils pratiquent la surenchère dans ce domaine, en «tête de gondole» des supermarchés de l'impensé et de la débilité. Celle-ci réduit, voire inhibe, l'«agilité» intellectuelle et renforce le réalisme et l'objectivité vulgaires, contenus dans des formules du genre : «Je ne crois que ce que je vois !». Elle atteint son paroxysme lorsque la singularité, corrélative de la subjectivité, est allègrement confondue avec l'individualité. Enlisée dans le bilatère (deux dimensions), elle pousse la domination hégémonique de la raison classique à un point tel qu'une formulation paradoxale, comme celle-ci, de Jacques Prévert : «Toujours pareil, mais jamais le même», devient incompréhensible et inouïe, «anormale». La xénopathie (rejet du vide, étranger au bilatère) s'associe toujours à cette débilité.
Le caractère spectaculaire de certaines positions partisanes, très réductrices, suffit souvent pour qu'on ne cherche pas à les dépasser ni à les subvertir. «Enfiler» des poncifs devient un petit jeu jouissif pour les «Béatitudes» convaincues, qui n'accordent aucune place à l'évidement constructif. L'adversité feinte et complice se révèle lorsque des conceptions, spectaculairement et hystériquement contestées, finissent par mettre au jour l'identité discursive qui les réunit. Nous avons eu droit, ce soir-là, à un certain nombre d'affirmations :
«L'individu n'existe pas dans ces sociétés», ou «On a le droit d'être un individu et de s'inventer soi», ou bien «Il faut briser les règles», proférées à l'emporte-pièce. Nous avons même été gratifiés d'approximations, comme l'amalgame proféré par ce dernier, ce soir-là, entre «communisme, fascisme, totalitarisme et conservatisme».
Ces enfumages idéologiques usent et abusent des théories prônant la suprématie de l'individu abstrait et idéal pour mieux dissimuler -à la grande satisfaction de la majorité- le totalitarisme qui travaille en sous-main ces constructions, devenues spectaculaires sous l'influence du discours hystérique. Mettre ainsi l'individu sur un piédestal, en le clivant de son altérité, conduit inévitablement à annihiler la singularité, qui met en continuité l'un et l'autre.
Quant à la «h'chouma» (la honte), elle ne concerne pas seulement tout ce qui a trait à la sexualité, elle concerne aussi bien tous ceux qui tiennent des propos aussi peu fondés, et font usage de notions-valises comme celle de «société patriarcale» (Leïla Slimani), qui bafoue la fonction symbolique du Père, dont la disparition (l'absence, la mort), permet son omniprésence, laquelle bat en brèche le patriarcat, qui fait valoir la place imaginaire d'un père tout-puissant, capable de «faire le gendarme», mais certainement pas de respecter, ni de faire respecter la Loi, à savoir l'interdit libérateur du désir, dont le destin consiste en un ratage émancipateur.
Les deux «têtes de gondole», que nous présentent les institutions «me®diatiques» françaises, n'ont pas hésité à nous resservir les antiennes sur la sexualité réprimée et opprimée, méconnaissant le fait fondamental que, même si un ordre social «libertaire» décrétait une liberté totale et absolue à ce sujet, le défaut, qui constitue la sexualité, s'imposera de toute façon, mettant au jour par là même son caractère indépassable, en tant qu'il est de nature structurale.
Aussi cette impossibilité qui le caractérise favorise-t-elle l'existence de chacun, non plus comme individu abstrait, mais comme sujet, marqué définitivement par une altérité qui le divise et contrarie ses revendications d'individu autonome et souverain, afin que son désir -et par là même la Loi qui le soutient- soit préservé.
La soumission à cette loi, interdictrice de l'inceste, se concrétise dans une incomplétude imposée par l'ordre symbolique, auquel chacun est soumis comme être parlant et manquant. Elle confère une immuabilité à un défaut réfractaire à toute suture, dont l'intégration et l'assimilation favorisent l'invention et la production de nouveaux rapports, c'est- à-dire de nouvelles constructions et des élaborations inédites, qui cessent de faire tourner en rond le manège des «révolutions», lesquelles reviennent toujours au même point de départ, sans aucun changement d'orientation topologique et logique.
Kamel Daoud a évoqué son ancienne adhésion à une conception religieuse qu'il a abandonnée, et à laquelle il a substitué une autre, à laquelle il s'est «converti», parce que, vraisemblablement, elle lui semble idéale, voire royale, pour mieux méconnaître ce défaut structural, cette incomplétude essentielle et irréversible, à laquelle est assigné chaque être parlant, au même titre que tous les autres qui, malgré leurs différences, sont soumis à un même ordre symbolique, dont la transcendance, les ampute de leur toute-puissance supposée.
Et même s'il a choisi la langue française comme paradigme de «la langue de la sexualité» (sic), cette langue, aussi idéalisée soit-elle, ne peut en aucun cas l'assurer de se libérer du défaut de plénitude et de complétude. C'est pourquoi elle ne peut détrôner la langue maternelle, celle du Père et de l'interdit de l'inceste (au fondement de la sexualité humaine), qui se donnent dans la structure du signifiant, à laquelle se rattachent et se soumettent toutes les langues, dans le sens où aucune d'entre elles ne peut (s') affranchir de son primat. La langue maternelle est la langue du père, qui rappelle la soumission indéfectible à l'ordre symbolique. Même les psychosés ne parviennent pas, heureusement, à s'en départir.
D'où la possibilité de les sortir de leur impasse, qui n'est en rien de nature biologique. L'ordre symbolique subvertit le corps en l'affranchissant partiellement du déterminisme biologique. Ainsi, la sexualité des êtres parlants ne se réduit plus à la procréation et à la reproduction de l'espèce. Elle est au service du plaisir en tant qu'il assortit maints processus de création, qui métaphorisent leur défaut constitutif et les incitent à s'enrichir sans cesse.
Prétendre se «libérer» de l'incomplétude -inhérente à l'ordre symbolique- en la méprisant, pour survaloriser et idéaliser l'individu, revient à bafouer la vérité. Englué dans un individualisme fétichisé, Kamel Daoud nie farouchement (cf. sa réponse à une question posée par Patrick Cohen sur Europe 1), que de nombreuses femmes choisissent d'accepter de se soumettre -parfois jusqu'au sacrifice- à des interdits sociaux et/ou religieux, pour se «libérer» en vain de leur subjectivité et de leur désir, qui leur reste ainsi à jamais méconnu. Tout le monde sait que dans n'importe quelle société, il existe des femmes qui se sacrifient pour devenir les servantes d'hommes en quête de complétude et de plénitude, qu'elles partageront plus ou moins avec lui, après coup.
Daoud rejoint ainsi le coryphée consensuel qui s'appuie sur des victimes pour se donner bonne conscience et s'arroger le droit d'être identifié à la «belle âme». Le point de vue que cet écrivain choisit renvoie à une position subjective qui rend compte et traduit sa façon particulière de s'inscrire dans la structure et d'y occuper une place, même si c'est pour la remettre en cause et contester indirectement l'inconscient et le sujet, tant son attachement à l'individu et à sa souveraineté est puissant. Déclarer comme il le répète souvent qu' «il n'y a pas d'émancipation dans la soumission», reste un slogan indigent, surtout s'il ne se donne pas la peine - polysémie oblige - d'expliciter le sens de ces deux termes, même s'il s'agit du port de la burqa.
Ces énoncés font partie de discours paradigmatiques de la logique sphérique, qui ne souffre pas de la subjectivité. Ils entretiennent la confusion entre le savoir et la vérité, et «font feu de tout bois» pour sauver la logique et l'entendement classiques, qui rejettent le principe de la présentification de l'absence, celui qui confère au vide son efficacité.
Ces discours influent sur les liens et les rapports sociaux en renforçant une adhésion et une adhésivité de la part des «masses», qui acceptent plus ou moins facilement, obnubilées qu'elles sont par la complétude, de se laisser posséder par tout tenant d'idéologie prédicative, surtout s'il détient un pouvoir, économique, politique ou idéologique. Ils renforcent de fait les idéologies contre lesquelles ils croient lutter: la liberté qu'ils promettent, consiste à «aseptiser» la subjectivité de «ce qui cloche». Ainsi, il est quasiment sûr que ce genre de conceptions épuratrices du sujet donnera naissance à un ordre social plus contraignant, voire plus despotique, avec des impératifs et des interdits encore plus redoutables, destinés à réaliser la complétude promise, d'autant plus qu'elle s'avère impossible à garantir.
Enfin, en guise de clin d'œil conclusif, et sans trivialité aucune, je dirais qu'il ne faut surtout pas oublier de prendre le temps de goûter et d'apprécier les poésies de «la fin'amor» (l'amour courtois) que célèbre et magnifie la musique arabo-andalouse.
Elle chante le désir engagé dans l'amour, non sans sa connotation sexuelle, génitale. Aussi bien, elle sublime la soif d'absolu qui conjoint la quête de la Dame -pour un temps peut-être- hors de portée, à l'adoration vouée à un Dieu, qui demeurera absolument et définitivement inaccessible, et dont l'omnipotence, même si elle est invoquée de manière répétitive, n'exauce pas pour autant le désir, resté en souffrance. L'amour, digne de ce nom, «est le don de ce qu'on n'a pas» (Lacan). A ce titre, il respecte le «manque à être». Il le consacre et soumet tous les êtres parlants à une égalité, celle de l'incomplétude, qui n'exclut pas les différences quant à sa prise en compte, que ce soit pour la dénoncer et tenter de la mettre vainement en échec, ou bien pour l'intégrer et l'assimiler afin d'en faire le socle d'une «ex-sistence», plus ou moins satisfaisante, mais non oublieuse de son inéluctable fin.


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