L'Algérie dispose de nombreuses ressources renouvelables ; peut-on avoir une estimation sur ce riche potentiel ? Il n'est pas possible de quantifier le potentiel algérien en matière de ressources renouvelables, mais ses prévisions sont faciles à dresser. Le programme de développement des énergies renouvelables 2011-2030, lancé en 2011 et révisé en 2015, repose sur deux éléments essentiels : d'une part, le taux d'ensoleillement exceptionnel avec un peu plus de 3000 heures par an avec un rayonnement solaire de 2650 kilowatts/ heure par m2/an et, d'autre part, un territoire d'une superficie de 2 381 745 km2 pouvant recevoir de très grandes fermes solaires. Ce sont des atouts naturels auxquels il y a lieu d'ajouter le cadre juridique récemment mis en place qui est en adéquation avec les conventions internationales en matière de climat et de lutte contre l'effet de serre. Le contexte est également à prendre en considération. Regardez la baisse continuelle du prix des cellules photovoltaïques. A titre de référence, le dernier appel d'offres solaire lancé en Arabie Saoudite s'est soldé avec un prix au mégawatt heure (Mwh) le plus bas historique, environ 15 euros, en battant la production électrique à base d'énergie fossile. Il est donc possible de lancer un programme ambitieux de production solaire et éolienne de très grande capacité qui donnera un sens à la transition énergétique déjà amorcée. Un ministère chargé des énergies renouvelables a été créé ; est-ce suffisant pour donner une place de choix au renouvelable ? Oui, cela a du sens. La création d'un tel ministère répond à l'ambition de l'Algérie de réaliser 22 000 mégawatts d'ici 2030 dont plus de la moitié est solaire. Autour du renouvelable, il est pertinent de rajouter à la production électrique solaire et éolienne la prise en compte de l'efficacité énergétique dans le tissu économique et social, l'intégration de la chaîne de valeur de la transformation de la biomasse, sans oublier l'émergence de nouvelles technologies à l'instar des batteries et des objets connectés pour mieux optimiser l'utilisation de cette énergie électrique. Ce ministère pourra impulser une nouvelle façon d'utiliser l'électricité en incitant les industriels et les particuliers à contrôler et réguler leur consommation. De plus, il pourra encourager la vente de l'excédent d'électricité solaire aux pays frontaliers, voire même aux pays européens. Aujourd'hui, l'interconnexion avec les pays européens est une réalité technologique qui est déjà mise en œuvre par d'autres pays. L'ambition est immense, il faut se donner les moyens pour atteindre les objectifs assignés. L'indépendance énergétique est aussi en faveur des énergies renouvelables.
Le temps est-il venu de tourner le dos aux énergies fossiles ? Je ne crois pas que l'on puisse tourner le dos aux énergies fossiles, notamment le gaz. En tout cas, ce n'est certainement pas le moment, car les énergies fossiles restent une importante source de financement dans sa globalité pour le pays. Il est temps, en revanche, de conserver ces gisements. Au titre de son utilisation pour la production électrique, je trouve que la stratégie de l'Algérie est louable et il faut la soutenir. Les centrales à gaz permettent de pallier l'intermittence des énergies renouvelables qui pourraient engendrer des problèmes au réseau. Par contre, il est certain que dans le monde aujourd'hui, les énergies fossiles à base de fuel et de charbon évolueront à la baisse voire disparaîtront. Que pensez-vous du recours au gaz de schiste ? Il s'agit d'une question importante que l'on ne peut écarter d'un revers de main. Le recours au gaz de schiste est générateur de revenus importants pour le pays. A côté, il ne peut être ignoré les questions d'environnement que cela induit et l'impératif de protection. La technologie est en train de mûrir et il est nécessaire d'être attentif à son évolution. Comment valoriser le potentiel des énergies renouvelables ? Faut-il choisir le solaire, l'éolien ou le modèle de mix énergétique ? Sur le principe, il est important de favoriser le mix énergétique équilibré en introduisant des énergies renouvelables de tout type de source : solaire, éolien, biomasse et les intégrer très vite aux côtés des centrales de gaz qui demeurent indispensables. Toutes les énergies doivent être sollicitées. Le programme de développement des énergies renouvelables conçu en 2011 et révisé en 2015 pour une projection à l'horizon 2030 présente un mix énergétique parfaitement équilibré. Qu'en est-il du nucléaire ? Il y a un renouveau nucléaire dans le monde. Certains pays se lancent sans retenue dans l'énergie électrique nucléaire afin d'assurer le sourcing des usines de dessalement de l'eau de mer qui sont énergivores. En Algérie, il s'agit d'une question cruciale. Le nucléaire pourrait contribuer à diversifier le mix énergétique. Les centrales nucléaires doivent être développées en bord de mer pour leur besoin de refroidissement. Une idée à creuser serait le couplage du nucléaire avec les stations de dessalement de l'eau de mer. Ce qui participerait au stress hydrique que la région pourrait vivre dans les années à venir. Le nucléaire, dans des conditions de sécurité renforcée, a l'avantage de ne pas émettre de gaz à effet de serre. Où se situe l'Algérie dans l'exploitation des énergies non polluantes par rapport aux pays de la région ? Dans la région MENA, l'Algérie fait partie des pays qui ambitionnent un développement important en valeur absolue. A horizon 2030, le programme solaire d'environ 13 500 Mw est le plus important de la région derrière les Emirats arabes unis et l'Arabie Saoudite avec des objectifs respectifs de 21 000 et 16 000 Mw. Le programme éolien de 5000 Mw est aussi colossal et arrive derrière cette fois-ci l'Egypte et l'Arabie Saoudite qui projettent respectivement 9400 Mw et 9000 Mw. Le programme est très ambitieux et je crois que l'Algérie peut relever le défi pour être parmi les leaders de la région. Certes, d'apparence, on peut considérer que l'Algérie accuse un certain retard, alors que son programme est en cours de réalisation et s'exécute au rythme convenu.