Les militants de la cause amazighe sous le régime du parti unique ont connu les pires sévices dans les bagnes et les plus insupportables des persécutions pour avoir revendiqué le droit de vivre leur identité. Du sang, des larmes et une profonde déchirure identitaire pour se réapproprier la langue, la culture et la civilisation amazighes, pourtant profondément enracinées dans l'histoire millénaire de toute l'Afrique du Nord. Ce qui devait être une identité naturellement admise par l'Etat et la nation, tamazight a depuis l'indépendance de l'Algérie été ostracisée, exclue et bannie. Les militants de la cause amazighe sous le régime du parti unique ont connu les pires sévices dans les bagnes et les plus insupportables des persécutions pour avoir revendiqué le droit de vivre leur identité. Le choix d'imposer par le pouvoir politique à l'Algérie une identité idéologique exclusive en arrimant le pays à une nation arabo-islamique s'est accompagné d'un travail d'effacement de toute référence à l'histoire pré-islamique. Un choix qui va provoquer un déchirement de l'Algérie naissante avec ses réalités culturelles, identitaires et historiques. Une rupture avec elle-même. «L'unité de la nation arabe est une étendue idéologique, une construction abstraite qui va nier les réalités culturelles, les mémoires historiques et collectives», ne cessait de rappeler le penseur Mohamed Arkoun. S'inscrivant dans un double rejet de l'autoritarisme et de son idéologie, des premiers noyaux de militants politiques s'organisent autour du chercheur Mouloud Mammeri et au sein de l'Académie berbère à Paris. Les militants du FFS vont tenter de réactiver le parti — frappé de clandestinité — et s'emparer également de la question identitaire. Des dynamiques naissantes bravant la dictature du parti unique vont converger pour aboutir à la grande mobilisation du Printemps berbère d'avril 1980. Pour la première fois depuis l'indépendance, le pouvoir et sa construction idéologique sont défiés publiquement, ce qui va briser la chape de plomb de l'autoritarisme. S'ensuit une longue résistance militante avec son lot de privation de liberté et de calomnies sans pour autant annihiler l'élan militant. C'est dans la répression des militants du Mouvement culturel berbère(MCB) que la question amazighe va s'affirmer comme composante centrale de l'identité algérienne. Le refus obstiné du pouvoir politique à reconnaître le fait amazigh va conduire à de lourds malentendus culturels. Le pouvoir a de tout temps fomenté et alimenté les clivages en opposant une partie de la population à une autre accusée de séparatisme et de division pour disqualifier la revendication des Amazighs. Les militants du MCB, qui devaient batailler sur plusieurs fronts pour cette cause et avec intelligence, avaient su formuler un projet complet et cohérent mettant en avant la diversité culturelle et linguistique de l'Algérie, comme le montre toute la littérature du mouvement berbère. A l'unicité de la pensée, de la langue, de la religion et de la culture, le Mouvement culturel berbère oppose au pouvoir une diversité qui constitue la richesse du pays. Dans la difficulté extrême, les militants du MCB vont pouvoir, pas à pas, ramener l'Algérie dans son giron historique et identitaire naturel, forçant le pouvoir politique a admettre timidement la question de l'identité amazighe. L'instauration du pluralisme politique a constitué une brèche pour la question amazighe, qui pour la première fois sera admise dans le milieu universitaire avec l'institution de deux instituts de langue et culture amazighes à l'université de Tizi Ouzou et celle de Béjaïa au lendemain d'une marche mémorable le 25 janvier 1990. Largement insuffisant. D'autres batailles vont être menées, on peut citer notamment l'historique mouvement du boycott scolaire pour l'enseignement de la langue amazighe. Dès le départ, le mouvement amazigh va forger une conscience non seulement identitaire mais aussi politique. La revendication identitaire est posée dans le cadre d'une vision globale de l'Algérie. Elle est consubstantiellement liée à la démocratisation de l'Etat. De retour au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika va violemment exacerber les tensions identitaires avec son refus absolu de l'inscription de tamazight dans la Constitution du pays. «Tant que je serai là, tamazight ne sera jamais langue nationale et officielle», avait-il lancé avec mépris. Les tragiques événements de 2001, dont l'assassinat de 126 jeunes en Kabylie, vont le contraindre à reconnaître tamazight comme deuxième langue nationale en 2002. Quatorze ans après, elle sera officielle dans le cadre d'une révision constitutionnelle de 2016, pour aboutir fin 2017 à la reconnaissance de Yennayer comme «Journée nationale chômée et payée». Des reconnaissances officielles arrachées de haute lutte. Jamais octroyées. Le pouvoir politique cède souvent sous la pression des événements malheureux. Avec la célébration de Yennayer, les autorités politiques pensent régler «leurs problèmes avec la Kabylie» et «s'assurer la paix avec cette région». Une erreur d'analyse. Faut-il rappeler que la question amazighe est au cœur de la revendication démocratique. «Non à la dictature même avec thamazight» était le mot d'ordre de militants de la cause amazighe.