L'attentat spectaculaire qui a visé dimanche le bus transportant des employés de la société américaine Brown, Root and Condor (BRC), une filiale de la firme américaine Halliburton, à Bouchaoui, non loin de la résidence d'Etat de Club des pins, faisant 1 mort et 9 blessés, dont un de nationalité libanaise, grièvement atteint, a provoqué une véritable onde de choc. L'opération semblait bien préparée par les assaillants, vraisemblablement au nombre de quatre, qui connaissaient l'heure du passage du bus ciblé. Un véhicule des assaillants était stationné sur le pont en sens inverse de la bretelle menant de l'autoroute vers Bouchaoui, pour guetter l'arrivée, vers 17h15, du bus et le signaler aux terroristes embusqués quelques mètres plus loin, sur le côté droit de la route. Des rafales d'armes automatiques sont tirées pendant quelques secondes, tuant sur le coup le chauffeur, un policier algérien à la retraite faisant office d'agent de sécurité (qui a pour la première fois été chargé de conduire le bus), et blessant neuf passagers, un Américain, quatre Anglais, deux Libanais, un Canadien et un Algérien, également ancien policier, recruté comme agent de sécurité. Le deuxième bus a rebroussé chemin. Dans leur fuite vers la forêt de Bouchaoui, les assaillants ont fait exploser à distance une première bombe artisanale pour protéger leur retraite. La seconde n'a pas explosé. Elle a été retrouvée sur les lieux par les services de sécurité. Ce qui a poussé ces derniers à passer au peigne fin la forêt de Bouchaoui, limitrophe de la résidence la plus surveillée de l'Etat. L'attentat a eu lieu moins de 24h après la réunion des walis avec le président de la République et les membres du gouvernement au Palais des nations, à Club des pins, où un dispositif impressionnant avait été déployé aux alentours. En frappant à proximité de cet endroit symbolique de l'Etat pour cibler une société américaine, les auteurs ont voulu lancer deux messages. Le premier est de montrer aux autorités qu'ils peuvent atteindre les lieux les plus sécurisés, comme cela a été le cas, il y a plus d'un mois, à Réghaïa et à Dergana, lorsque deux camions piégés ont explosé devant deux commissariats faisant trois morts et 24 blessés. Si dans cet attentat, ce sont les policiers qui ont fait preuve d'une baisse de vigilance, dans l'attaque de Bouchaoui, les terroristes ont profité d'une défaillance du cordon de sécurité, habituellement assuré par les gendarmes. Ces derniers auraient pu remarquer la présence du véhicule stationné en sens inverse sur la bretelle de Bouchaoui, quelques minutes avant l'attentat. Pour des sources sécuritaires, cette attaque est imputée au GSPC eu égard à la méthode utilisée par ce groupe criminel dans ce genre d'opération, c'est-à-dire le choix de la cible, sa minutie et surtout l'effet de surprise et son impact médiatique. De plus, les mêmes sources ont estimé qu'une telle action était prévisible dans la mesure où le GSPC avait, juste après son ralliement à Al Qaîda, menacé les intérêts occidentaux en général et américains en particulier. D'autres interlocuteurs se sont, néanmoins, interrogés sur les circonstances de cette action qui, selon eux, est intervenue dans une conjoncture particulière. D'abord le scandale qui a éclaboussé l'été dernier BRC, ayant trait à de probables surévaluations des marchés et au non-respect des délais de réalisation dans le domaine de la construction, notamment avec le ministère de la Défense nationale et le commandement de la gendarmerie, lesquels ont fini par résilier les contrats. Une instruction judiciaire sur le dossier est actuellement en cours au tribunal de Bir Mourad Raïs, auprès duquel une plainte a été déposée après que l'IGF et la Cour des comptes ont rendu les conclusions de leurs enquêtes. Il est important de rappeler que l'attaque du bus transportant le personnel de BRC a été ressentie par de nombreux observateurs comme « une réponse cinglante » à la mise en garde lancée par le président de la République devant les walis, 24h plus tôt, contre le nouveau terrorisme, celui « des trafiquants de drogue, des armes et de l'informel », contre lequel il a appelé à « une guerre sans merci ». Aucune réponse à ces interrogations n'est possible, mais il n'en demeure pas moins qu'elles se posent avec acuité et méritent une réflexion. Les circonstances de l'enlèvement et de l'assassinat du jeune juge de Annaba illustrent l'image de ce nouveau terrorisme.