Les déclarations officielles, provenant notamment de la présidence de la République, regorgent de louanges et d'encensements à l'égard de la population, régulièrement saluée pour son esprit de responsabilité, son patriotisme et son attachement immuable à la stabilité du pays. Cependant, à chaque épreuve de vérité, les autorités se perdent dans des contradictions et énoncent des points de vue qui jurent avec les professions de foi précédemment et publiquement proclamées. Le Premier ministre, l'une des figures les plus visibles et mouvantes du pouvoir en place, expliquait samedi dernier, après une réunion de son parti, le RND, que le peuple algérien n'est pas encore éligible au droit à manifester dans la capitale, à l'opposé des autres sociétés et autres villes du monde où d'importantes marches sont organisées dans le calme. En plus d'être un mauvais procès, cette affirmation révèle l'un des travers de la mauvaise gouvernance en Algérie et l'art de créer de nouvelles crises pour compliquer celles déjà existantes. Une marche réprimée, ce sont dix autres qui seront programmées. Une manifestation qui arrive à son terme a 100 fois moins d'impact que les images des marcheurs en sang transportés à l'hôpital. Si les syndicats ont parfois tort sur certaines revendications et modes d'action, le gouvernement a tout faux dans sa gestion des manifestations. Quand des responsables, à l'image de ceux du Conseil national des droits de l'homme, tentent de rétablir l'équilibre et réhabiliter la raison, ils utilisent d'infinies précautions et usent d'insupportables pléonasmes pour défendre le droit aux «manifestations pacifiques». Toutes les sociétés sont pacifiques et les guerres ne sont fomentées que par des régimes aux abois ou des organisations religieuses en phase terminale. Aucun Algérien, du reste, ne veut faire la guerre à son pays ni aux voisins, en dehors, toujours, des illuminés religieux. Le gouvernement doit en urgence remédier à cette intolérable incompétence de vouloir maintenir la paix sociale par la répression et le quadrillage des villes. C'est le décor idoine pour une explosion non souhaitée. En prenant le pari de la libre expression et de manifestation pour préciser les débats et pouvoir agir dans un cadre social apaisé, il apparaîtra clairement que le sens du labeur est prédominant et que la propension à la protestation à tout prix n'habite pas la majorité des citoyens. Ces derniers savent qu'en période de crise, il ne s'agit pas de réclamer plus d'«acquis», mais de produire plus de richesses. De plus en plus d'opérateurs économiques comprennent que la parade à la crise et la cessation des importations n'est pas de crier à la faillite mais de monter des outils de production. Leur aléa n'est pas tant la bureaucratie ou le manque de matières premières, mais le fléau des coupures de route et l'impossibilité d'accès aux villes un jour sur trois. En attendant de réussir le passage à une économie de production et de sortir de l'ornière de la rente pétrolière, il est possible de lever les ultimes anachronismes, de consacrer sans frais et sans délai les principes constitutionnels de la liberté d'expression, de manifestation et de circulation.