On dit parfois de certains enfants qu'ils sont très maladroits, pour d'autres qu'ils sont tête en l'air ou encore fainéants. Pour ces enfants, lire, écrire, compter, coordonner les gestes ou s'exprimer clairement ne sont pas des choses évidentes. Sans que cela soit une infirmité bien grave, certains chérubins souffrent de handicaps invisibles, communément connus sous l'appellation «les troubles spécifiques des apprentissages» ou les fameux «DYS». Ces troubles peuvent, dans certains cas, prendre beaucoup de place dans la vie de ceux qui en sont atteints. Même, si ces pathologies sont souvent invisibles, on parle quand même de troubles spécifiques car il existe une ou plusieurs causes repérables, en l'occurrence : la maladresse ou les difficultés pour apprendre à lire ou à parler. Cependant, pas de panique. Les enfants qui souffrent de Dys ou de troubles d'attention ne sont pas moins intelligents que les autres, ni dépourvus de motivations. Ils souffrent seulement d'un dysfonctionnement dans une région du cerveau qui ne leur permet pas, à intelligence égale, de lire, de se contrôler ou même de manier le crayon comme un enfant de leur âge. Et en fonction de la région du cerveau touchée par le dysfonctionnement, comme l'explique le pédopsychiatre français Oliver Revol, ces enfants seront en difficulté. «Cet handicap —si l'on peut l'appeler ainsi— est durable. Car ce n'est point un simple retard qui peut être rattrapé, mais bien un déficit qui va suivre le patient durant toute sa scolarité et qui mériterait un certain nombre d'aménagement.» Fonctionnement cérébral différent On les appelle les troubles DYS : trois lettres qui regroupent aussi bien les troubles cognitifs spécifiques que ceux des apprentissages qu'ils induisent, devenant ainsi un véritable problème de santé publique. Ces troubles spécifiques apparaissent au cours du développement de l'enfant et persistent à l'âge adulte. Ils ont des répercussions sur leur vie scolaire, professionnelle et sociale. Ces troubles sont scindés en six catégories : la dyslexie et la dysorthographie qui concernent la difficulté d'acquisition du langage et de l'écrit ; la dysphasie pour la carence en matière d'acquisition du langage oral ; la dyspraxie qui impacte le développement moteur ; les troubles de l'attention et enfin la dyscalculie qui affecte les activités numériques. Si les enfants souffrant de ces troubles ont une intelligence tout à fait normale, voire supérieure, un fonctionnement cérébral différent viendra contrarier les apprentissages. C'est juste le cerveau qui fonctionne autrement. Sous des formes plus ou moins sévères, beaucoup d'enfants souffrent en silence de ce mal. Et les conséquences sont d'autant plus alarmantes : éviction scolaire, souffrance et dépression dans certains cas extrêmes. Autrement dit, ces petits seraient amenés à vivre une vie différente de celle des autres enfants, et ce, à cause d'un mal qui ne sera jamais diagnostiqué. Mais pas de panique, ces enfants sont bien capables de progresser grâce à certaines pratiques énumérées par le professeur Patrice Bouvet, orthophoniste et coordonnateur de la prise en charge des enfants dyspraxiques dans un slide disponible sur le site dysmoitout.org. Il s'agit de la mise en œuvre de pédagogies spécifiques des adaptations scolaires dont la pertinence doit être régulièrement réévaluée. Il faudrait, également, mettre en place des stratégies de contournement de leurs difficultés en impliquant des rééducateurs et des professionnels du soin, ou élaborer une stratégie de coordination permanente entre pédagogie et soins. S'il est très difficile de déterminer la prévalence de ce genre de troubles par l'absence de signes évidents d'anormalité, même dans les pays les plus développés, il est toutefois important de pouvoir détecter la présence de ces pathologies pour éviter aux enfants un échec scolaire trop précoce. Echec qui pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l'évolution de la personnalité de l'individu atteint. Dans l'optique de détecter l'éventualité de présence de troubles spécifiques des apprentissages et leurs évolutions, une équipe de chercheurs de l'université Alger 2 et du Centre de recherche scientifique et technique pour le développement de la langue arabe (CRSTDLA) a réalisé un logiciel sur micro-ordinateur (PC) pour mesurer les temps de réponse à des stimulis, dans le but de jauger les réflexes des patients atteints de pathologies relatives à la cognition. Strobe, du nom du projet, «a été réalisé suite à la demande de l'orthophoniste et chercheur du centre, Assia Boullaraf, pour les besoins de ses travaux de recherche», explique sa collègue du CRSTDLA, directrice des recherches, Ghania Droua-Hamdani. Preuve s'il en est que les sciences humaines peuvent déboucher sur des projets bien matériels. Une application simple et fiable Dans l'application mise au point, «la mesure du temps est faite grâce à la fréquence de l'horloge de l'ordinateur. Strobe compte le nombre de cycles d'horloge écoulés depuis l'apparition des stimulis à l'écran jusqu'à la pression d'une touche clavier. La précision de la mesure est ainsi grandement améliorée (de l'ordre de la nanoseconde)», révèle le chercheur Khoudir Benbellil. Pour ce qui est des stimulis, ce dernier informe qu'il s'agit de mots affichés sur l'écran et qui comportent des syllabes cibles avec trois couleurs différentes. «Le patient devra alors relever la couleur de la syllabe cible en appuyant sur la touche clavier qui correspond à la couleur observée», poursuit-il. «La bonne interprétation est subordonnée à la bonne mesure du temps», explique-t-il en indiquant qu'une fausse interprétation peut pénaliser un patient sain. En fait, comme objectif premier, les chercheurs ont ciblé la valeur temps pour réaliser des études dans le domaine de la pathologie du langage par exemple, et établir des normes – qui sont d'ailleurs inexistantes – afin de montrer l'importance de la syllabe dans la lecture de la langue arabe. «Le principal avantage d'une telle application est de permettre des mesures précises grâce à un micro-ordinateur sans devoir acquérir un matériel dédié. Il faut cependant réaliser un étalonnage afin d'être sûr que la mesure est correcte. Strobe permet aussi de mesurer des temps de réponse à divers stimulis qui peuvent être linguistiques (mots, phonèmes, syllabes, etc.) ou encore des images», résume le chercheur Khoudir Benbellil. Ainsi, le logiciel, destiné en premier lieu aux orthophonistes qui étudient les pathologies de la cognition, affichera des résultats de mesures qui seront sauvegardées dans un fichier exécutable par Strobe.exe. «Toute la difficulté pour un orthophoniste activant dans une structure de santé est de réaliser un test efficace et surtout fiable pour détecter ce genre de troubles», relève Ghania Droua-Hamdani. Ainsi, Strobe tombe à point nommé afin d'offrir une chance sérieuse pour dévoiler le mal invisible capable de mener la vie dure à tout écolier.