La terre chauffe. Si certains climatosceptiques refusent toujours de reconnaître la responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique et expliquent les phénomènes climatologiques par l'activité «normale» de la planète, il existe des paramètres et des études qui mettent quand même en doute l'innocence du genre humain. Ainsi, dans l'étude intitulée «Effet des surfaces urbaines d'albédo sur le confort thermique», Ouarda Mansouri, Fatiha Bourbia et Rafik Belarbi, une équipe de chercheurs de l'université de Constantine (Laboratoire ABE), en collaboration avec le laboratoire Lasie (université de La Rochelle, France), se sont attelés à mesurer les impacts de l'urbanisation sur la température d'une cité. «Les effets du réchauffement climatique et la hausse des températures dans les centres urbains ont pris aujourd'hui des proportions qui inquiètent les scientifiques, en particulier les climatologues. Ceux-ci divulguent les impacts d'un réchauffement qui menace les grands équilibres planétaires et précisent que les systèmes urbains en sont les grands responsables, dans la mesure où ils représentent plus de 75% de la consommation globale de l'énergie», note l'étude. Ainsi, il est rappelé que l'îlot de chaleur urbain (ICU) peut varier de 2°C pour les petites villes de quelques milliers d'habitants, à 12°C pour des villes de plusieurs millions d'habitants. «Les chercheurs annoncent que le changement des propriétés de la surface –imperméabilité des revêtements, matériaux de grande capacité thermique et retrait de la végétation créant un environnement propice au piégeage du rayonnement solaire–, influent sur la modification du climat en ville plus que la source additionnelle de chaleur dégagée par les activités humaines», y est-il précisé. Par ce constat, il est devenu capital dans les études concernant l'impact du développement humain en matière d'occupation des espaces de s'intéresser de plus près aux matériaux urbains. «Les matériaux urbains se caractérisent fréquemment par l'importance de leur capacité calorifique et de leur conductivité thermique. L'énergie est emmagasinée durant la journée et restituée peu à peu par rayonnement au cours de la nuit. C'est ainsi que le refroidissement nocturne est plus lent en ville que dans des zones non urbanisées», expliquent les chercheurs. Effet d'albédo De ce fait, la modification de l'albédo, qui est la fraction de l'énergie solaire réfléchie vers l'espace, est devenue un enjeu pour garantir le confort des habitants. «Par exemple, en 1988, on a trouvé que l'augmentation de l'albédo des surfaces jumelée avec d'autres procédés, tels que l'augmentation de la couverture végétale, joue un rôle primordial dans l'atténuation de l'îlot de chaleur urbain et réduit le coût du conditionnement de l'air», fait valoir l'équipe de recherche, en indiquant que, par exemple, le badigeonnage (blanchiment) du bâtiment produit des gains directs de 14% et 19% sur le pic de puissance de refroidissement et sur l'énergie électrique de refroidissement respectivement. «La modification à la fois de l'albédo urbain et du badigeonnage du bâtiment peut entraîner une économie totale de 35% et de 62%, respectivement», motivent-ils. Pour ce qui est de la partie algérienne, l'équipe a élu pour terre d'étude le quartier 150 Logements sociaux participatifs donnant sur le boulevard Houari Boumediène, au sud de Skikda, ville du nord-est de l'Algérie (latitude 36,54°N et longitude 6,52°E). Cette ville côtière jouit d'un climat méditerranéen (chaud et humide en été et doux, pluvieux, humide, avec de faibles amplitudes en hiver). La température moyenne y est de l'ordre de 26, 09°C pour le mois d'août, qui est le mois le plus chaud, et de l'ordre de 12,07°C pour le mois de février, qui est le mois le plus froid de l'année. Les humidités relatives moyennes mensuelles varient entre 67,1% et 70,83%, ce qui explique que le climat de la ville soit humide pendant toute l'année. Pour ce qui est du rayonnement solaire, l'étude indique qu'il est intense, avec une durée d'insolation moyenne mensuelle totale de 2669 heures et une énergie incidente maximale sur un plan horizontal de 8010w/m² pendant le mois de juillet. Par ailleurs, la ville de Skikda est bien arrosée, avec un total annuel des précipitations de 825, 82mm et une valeur maximale de 130, 22mm en décembre. «Afin d'estimer l'effet de l'albédo sur les conditions de confort thermique au niveau de l'espace choisi, nous avons effectué des simulations par le biais de deux logiciels, le modèle numérique microclimatique pronostique tridimensionnel Envi-met 3,1, pour déduire les différents paramètres microclimatiques (températures surfaciques du sol, températures de l'air, température moyenne radiante), mais surtout pour évaluer le confort thermique extérieur dans l'aire d'étude par le calcul de l'indice du vote moyen prévisible PMV (Predicted Mean Vote) et le modèle numérique Rayman 1,2 pour calculer un autre indice de confort, qui est la température physiologique équivalente PET (Physiological Equivalent Temperature)», indiquent les rédacteurs de l'étude. Réétudier la peinture Pour ce qui est des valeurs initiales ou réelles d'albédo prises pour la simulation, il est énuméré : 0,3 pour les murs, 0,15 pour l'asphalte de la chaussée et 0,2 pour la toiture. «Les valeurs attribuées à ces surfaces et qui représenteront des peintures réfléchissantes ‘‘cool'' sont les suivantes : 0,75 pour les murs, en se référant aux résultats de recherche de Reagan et Acklam (1979), qui ont suggéré des couleurs réfléchissantes pour les matériaux opaques de bâtiments», instruit-on. Pour conclure, l'étude de l'effet de l'albédo sur le confort thermique extérieur a permis aux chercheurs de l'université de Constantine, par le biais des simulations numériques, de déduire une «très bonne corrélation entre les deux paramètres choisis pour l'estimation du confort thermique dans notre aire d'étude et qui sont le PMV estimé par Envi-met 3,1 et la PET estimée par Rayman1,2». Ainsi, les résultats obtenus révèlent que les valeurs les plus élevées relatives à une sensation d'inconfort “chaud” à “très chaud” et même “extrêmement chaud” correspondent aux surfaces avec peintures claires réfléchissantes pendant la période de la journée où le rayonnement solaire est le plus intense, malgré que ces peintures aient suscité une modération du microclimat par l'atténuation des températures des surfaces du sol et de l'air. Par cet effet, les chercheurs concluent que «contrairement à ce que peuvent avoir des matériaux à haut albédo comme effet sur l'atténuation de l'effet d'îlot de chaleur urbain, la modération du microclimat et la diminution de la consommation énergétique, il donne un effet inverse concernant la sensation de confort que pourra sentir un être humain debout (piéton) au niveau d'un espace extérieur». Ce qui coïncide, rappelle l'équipe de recherche, avec plusieurs recherches au niveau de la climatologie urbaine et de l'environnement à travers le monde. Cependant, le fait que les surfaces colorées en clair (réfléchissantes) puissent augmenter la quantité des radiations atteignant un corps exposé, soulève les questions à propos de leur convenance pour leur utilisation dans les espaces extérieurs urbains, surtout concernant les conditions de confort des piétons. Ce qui ouvre des perspectives et donne à réfléchir à de nouveaux axes de recherches, tels que le fait de tester la texture du matériau (chose qui n'est pas possible par Envi-met), et voir l'effet de la couleur claire mais non réfléchissante sur le confort thermique des usagers des espaces extérieurs.