La loi 04-05 du 14 août 2004 relative à l'aménagement et à l'urbanisme a été promulguée dans le but de renforcer le dispositif de lutte contre les constructeurs illicites et les contrevenants aux prescriptions du permis de construire. Pouvez-vous nous dire ce que cette loi apporte de plus par rapport à celle qui l'avait précédée (loi 90-29 du 1er décembre 1990) ? Je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'intérêt que vous avez toujours manifesté à l'endroit du secteur de l'habitat et de l'urbanisme. La loi que vous évoquez a, comme vous le savez, été initiée au lendemain du séisme du 21 mai 2003, dont les conséquences dramatiques ont mis au grand jour l'importance de la solidité du bâti sur la sécurité des citoyens. Nous avons de ce fait considéré qu'il était nécessaire d'apporter des modifications à la loi en vigueur (loi 90-29) pour que nous soyons en mesure d'empêcher toute construction sur un terrain non constructible, car sujet à glissement ou inondable ainsi que toute autre assiette située à proximité d'une unité ou d'une infrastructure (conduite de gaz, fils électriques) comportant un risque technologique réel. Pour ce faire, nous avons donné aux instruments d'urbanisme que sont les Plans d'occupation de sol (POS) et les Plans directeurs d'architecture et d'urbanisme (PDAU) les moyens de prévenir les risques qu'ils soient d'ordre technologique ou naturel. Outre cet objectif de prévention contre le risque, l'amendement à la loi 90-29, qui vient d'être adoptée par le Parlement, vise également à lutter plus efficacement contre les constructions illicites qui prolifèrent. Nous avons considéré qu'il ne faut plus continuer à fermer l'œil sur des constructions érigées au mépris des règles élémentaires d'urbanisme et de construction. Cette situation ne peut plus durer, et pour renforcer la qualité et la sécurité des nouvelles constructions, nous avons décidé de ne plus nous contenter du seul dossier de l'architecte en lui adjoignant celui du génie civil. Désormais un dossier technique relatif à une construction doit obligatoirement être préparé par un architecte et un ingénieur en génie civil agréés. Ce n'est qu'ainsi à notre sens qu'on peut garantir la stabilité et la sécurité d'un ouvrage. Dans ce même souci de donner un surcroît d'efficacité à la lutte contre les constructions illicites, la nouvelle loi relative à l'aménagement et à l'urbanisme tend à renforcer l'autorité de l'Etat, notamment en investissant l'autorité administrative d'une mission de contrôle et de protection des sites urbanisables en lui conférant le pouvoir de démolir toute construction érigée sans permis de construire. C'est là une prérogative importante attribuée aux autorités locales et si, malgré cela, un président d'APC n'agit pas, le wali peut se substituer à lui en ordonnant la démolition de la construction illicite aux frais du constructeur. La loi ayant été publiée au Journal officiel, nous rentrons dans son application en entamant dès cette semaine une campagne de vulgarisation qui consistera à expliquer aux élus, aux directeurs d'urbanisme et à tous ceux qui agissent sur le terrain les procédures du nouveau dispositif, le but étant de ne plus jamais tolérer de constructions illicites. La première rencontre régionale se tiendra mardi prochain à Blida. La loi n'étant jamais rétroactive, est-ce à dire qu'on s'achemine vers une amnistie pour toutes les constructions illicites réalisées avant la promulgation de la récente loi ? Je vous confirme qu'effectivement ce principe est un principe de droit. La loi ne dispose que pour l'avenir et n'a, par conséquent, pas d'effet rétroactif. Les constructions illicites réalisées antérieurement à la promulgation de cette loi ne sont pas concernées par l'amendement. Cela je peux vous le confirmer. Il y a toutefois lieu de préciser que pour les affaires de constructions illicites déjà enrôlées au niveau de la justice, les dossiers judiciaires suivront leur cour normalement. Tous ceux qui n'ont pas de dossiers en justice verront leur problème se régler dans le cadre d'une régularisation globale des constructions illicites. Je vous rappelle qu'en 1985 on avait ouvert ce dossier des constructions illicites qui a abouti à la régularisation de toutes celles qui étaient conformes à un certain nombre de règles d'urbanisme et de sécurité. C'est en tout cas une question qui mérite d'être posée, mais c'est au gouvernement et à lui seul que revient la décision d'ouvrir ce dossier de régularisation. La question de régularisation se pose souvent pour des quartiers entiers contraints de vivre en marge du progrès parce qu'ils sont illicites. N'est-il pas temps de penser à leur régularisation pour qu'ils puissent s'intégrer aux tissus urbains existants et bénéficier de ce fait des équipements et des services (eau, électricité, gaz, routes goudronnées) comme tous les autres quartiers de la ville ? Le dossier mérite en tout cas d'être ouvert, mais je ne peux pas vous dire quelle sera la position du gouvernement sur cette affaire. Je sais toutefois que le gouvernement avait déjà fait preuve en 1985 d'une très grande volonté et beaucoup de constructions illicites ont été, rappelons-nous, régularisées. Mais le gouvernement ne peut régulariser que ce qui peut l'être. Comment voulez-vous qu'il régularise des constructions érigées sur un lit d'oued, un terrain glissant ou à proximité d'une grosse canalisation de gaz à haute pression ? Et elles sont malheureusement très nombreuses dans ces cas. Les constructions illicites ne concernent pas uniquement les nouvelles constructions, mais également les extensions sauvages, le non-respect des prescriptions du permis de construire, etc. Cela fait beaucoup de travail pour les quelques opérateurs chargés du contrôle. Comment le secteur compte-t-il s'organiser pour faire face à une tâche d'une aussi grande ampleur ? L'état des lieux est suffisamment bien connu puisque nous disposons déjà d'un inventaire assez précis concernant les constructions illicites. Cet inventaire fait avec le concours des autorités locales doit être mis seulement à jour. Si le gouvernement accepte le principe de la régularisation des « coups partis », il faudrait rapidement aller vers une expertise qui déterminera avec précision le parc qui mérite d'être régularisé. C'est un travail méticuleux qui doit être fait sur le terrain par des techniciens avant d'arriver à la décision politique consistant à régulariser les constructions susceptibles de l'être. C'est ce que j'envisage de faire pour avoir une idée précise de la situation. Outre la connaissance assez fine que nous avons aujourd'hui du phénomène des constructions illicites, il faut reconnaître qu'avec la nouvelle loi relative à l'aménagement et à l'urbanisme, les choses sont plus claires. L'intervention des autorités locales va être plus effective puisque les dossiers n'iront en justice que pour les constructions non conformes au dossier de permis de construire. Pour toutes celles qui seront construites sans permis, c'est la démolition pure et simple, et à la charge des constructeurs, qui sera ordonnée par le président de l'APC concernée ou par le wali. La nouvelle loi relative à l'aménagement et à l'urbanisme a été accueillie favorablement par l'opinion, mais des doutes subsistent quant à son application sur le terrain... Je suis persuadé que c'est une loi qui sera appliquée et qui donnera des résultats. Pourquoi ? D'abord parce que plus personne ne prendra le risque de réaliser sans permis sachant que la loi ne sera pas de son côté et que l'autorité administrative, qui a désormais les prérogatives de puissance publique, pourra à tout moment la démolir. Personne ne prendra le risque de sacrifier beaucoup d'argent dans un logement qu'il ne pourra jamais habiter. La nouvelle loi est à ce titre particulièrement dissuasive. Nous serons par ailleurs très vigilants en veillant à ce que les constructions quel que soit l'endroit où elles se trouvent aient un permis de construire garant du respect des règles de l'urbanisme et de la construction. La meilleure forme de lutte contre les constructions illicites reste la production massive de logements qui soulagera de manière significative la demande. Que compte faire l'Etat algérien de significatif dans ce sens ? Les objectifs sont, comme vous le savez, déjà tracés par le président de la République qui a fixé comme objectif de livrer pour le prochain quinquennat un million de logements. La déglobalisation de ce programme va se faire incessamment. La loi de finances pour 2005 a dégagé les moyens financiers nécessaires. Aux programmes en cours viendront s'ajouter chaque année des programmes additionnels qui se traduiront par une production de plus en plus massive de logements. Nous allons par ailleurs encourager par un certain nombre de mesures incitatives le logement promotionnel et l'autoconstruction afin de redynamiser le marché immobilier. Nous comptons également stimuler le marché immobilier locatif en encourageant par diverses mesures incitatives les propriétaires à mettre en location leurs logements. La loi de finances pour 2005 a inscrit dans ce but un certain nombre de mesures fiscales (exonération des frais d'enregistrement, abattement de la taxe sur les loyers, etc.) de nature à stimuler le marché locatif qui peut satisfaire une partie non négligeable de la demande en logements.