La hausse des prix du pétrole sur les marchés internationaux a propulsé le Nigeria à la une de l'actualité. Et pour cause, tous les analystes considèrent que les records des prix du pétrole qui sont battus quotidiennement ces derniers jours sont aussi le résultat de la tension qui prévaut dans ce pays. La situation serrée du marché qui fait que l'offre arrive tout juste à répondre à la demande mondiale a installé des incertitudes qui font craindre une rupture des approvisionnements. Cette thèse de la rupture qui provoquerait un choc pétrolier n'est pas une vue de l'esprit et tous les observateurs pointent leurs regards sur les zones de production à fort potentiel d'exportation comme le Moyen-Orient (Irak, Arabie Saoudite), le Venezuela ou le Nigeria. Une grave crise dans une de ces zones propulse les prix à la hausse. Et la crise qui prévaut actuellement au Nigeria a amené de nouveaux records à New York comme à Londres. Aux troubles dans la région pétrolifère du delta du Niger est venue se greffer une menace de grève générale de quatre jours à partir de lundi. La situation du marché pétrolier n'avait pas besoin de tous ces facteurs déstabilisants, mais elle ne peut pas les ignorer. Au moment où semblait se dénouer le différend entre le gouvernement fédéral et la « Force des volontaires du delta du Niger », un mouvement indépendantiste du delta du Niger qui revendique l'autodétermination et le contrôle des ressources, le conflit autour du prix du carburant refait surface. Plusieurs grèves ont déjà paralysé le Nigeria à cause de la hausse des prix du carburant. Cette fois, le syndicat a décidé de repasser à l'action. Vendredi passé, le président du Congrès national du travail (intersyndicale nigériane) a annoncé l'échec de négociations qui auront duré quinze jours et le déclenchement d'une grève générale de quatre jours à partir de demain lundi 11 octobre. Principale revendication, l'annulation d'une augmentation de 25% des prix des carburants à la pompe qui a été mise en application le 23 septembre dernier. Premier producteur de pétrole brut d'Afrique avec environ 2,5 millions de barils par jour et sixième exportateur mondial avec le rang de cinquième fournisseur du marché américain, le Nigeria est quand même obligé d'importer du carburant pour son marché national vu l'incapacité des raffineries nationales à répondre à la demande locale. Pour le gouvernement, l'augmentation des prix des carburants est logique vu la politique de dérégulation entamée au mois d'octobre 2003 et qui permet aux distributeurs privés d'importer du pétrole raffiné et de fixer les prix à la consommation. Les quatre raffineries dont dispose le pays arrivent à peine à produire 30% de leurs capacités installées qui sont de 445 000 b/j. De plus, l'augmentation des prix du pétrole, si elle permet de meilleures recettes pour le pays, va, en revanche, contribuer à la hausse des prix des carburants à la pompe. Les problèmes dans le delta du Niger sont plus graves encore. C'est la région où se trouvent les gisements de pétrole. Et c'est le président du Nigeria en personne, Olusegun Obasanjo, qui a reconnu que les populations de la région n'ont pas bénéficié des revenus pétroliers. Lors d'un discours tenu le 1er octobre à l'occasion du 44e anniversaire du pays, il avait reconnu à propos des revenus pétroliers que « le constat évident est que, jusqu'à présent, la vie et le niveau de vie des gens les plus ordinaires du delta du Niger n'ont pas été très touchés ». C'est ce qui explique la radicalisation des mouvements dans la région à tel point que, le 28 septembre dernier, le chef de la Force des volontaires du delta du Niger (FVPDN) a demandé à « toutes les ambassades étrangères de retirer tous leurs ressortissants du delta du Niger jusqu'à la résolution des questions fondamentales que sont l'autodétermination, le contrôle des ressources et la convocation d'une conférence nationale souveraine pour discuter une bonne fois pour toutes. » Les négociations avec le président Obasanjo ont abouti à un accord. Mais la tension persiste dans une région où le pillage et l'extraction illégale de pétrole donnent lieu à une véritable guerre des gangs. Malgré le pétrole, 80% des Nigérians vivent avec moins d'un dollar par jour, selon les statistiques de l'ONU. Avec une population estimée à 130 millions d'habitants et une dette extérieure de 32 milliards de dollars, le Nigeria n'arrive pas à décoller. Aux problèmes socioéconomiques s'ajoutent ceux de l'insécurité.