C'est une semaine un peu chargée. Les fêtes se sont donné rendez-vous en fin d'année, obligeant les décembristes à un équilibre périlleux. Pas facile d'enchaîner les repas de famille et les cadeaux pour les enfants et les grands. Deux en un. Mieux, trois en un pour certains. Fatima n'a toujours pas enlevé le sapin de Noël du salon. L'imposant arbre trône au milieu du salon. Cette année, les fêtes se sont concentrées durant la dernière semaine de décembre. Noël, Aïd et fête de l'an. « On a été gâtés. Ca fait un peu mal au portefeuille mais cela transforme le quotidien. Je fais toujours un dîner pour Noël. Les enfants ne comprendraient pas qu'on ne fasse rien ce jour-là. Ils sont matraqués par la publicité et tout le monde autour d'eux, à l'école et ailleurs, est pris de fièvre à l'approche du 24. C'est aussi pour nous un signe d'adaptation à la société française. Puis, comme ça, les enfants ont deux occasions pour doubler leur argent de poche », explique Fatima. Issu d'une famille pieuse et pratiquant lui-même, son mari, Abdenour, rétablit l'équilibre. « Je respecte toutes les religions monothéistes. C'est vrai qu'il ne me serait pas venu à l'idée de célébrer, même modestement, Noël avant la naissance des enfants. Qui peut dire aujourd'hui le pourquoi de l'Aïd ? Il est important de dialoguer, de créer son islam en France, de le vivre autrement, différemment », juge Abdenour. Près de quatre millions de musulmans de France ont célébré samedi l'Aïd. Comme chaque année, la polémique sur l'abattage des moutons redémarre, à l'appel des associations de protection des animaux, ou encore pour des considérations politiques. De nombreuses voix s'élèvent pour que l'étourdissement préalable soit généralisé pour que le mouton souffre moins. « Je veux, maintenant, que les abattoirs hallal s'engagent, concrètement et rapidement, dans la voie d'une généralisation de l'étourdissement préalable », note le ministre de l'Intérieur qui souligne cependant ne pouvoir « par décret, interdire purement et simplement, sans condition, l'abattage sans étourdissement ». Etourdissement, abattage et bonne image Hamid milite pour une meilleure image de l'islam en France, un Islam dépouillé de ses « traditions néfastes ». « L'Islam n'appartient pas aux seuls islamistes ou à ceux qui affichent leur religion d'une façon provocante. Nous n'avons pas à leur laisser le monopole. Moi, je comprends très bien que les Français soient outrés de voir des moutons dans les immeubles ou encore les abattages clandestins. Il nous faut apprendre à ne pas mépriser la modernité. » Sentiment partagé par Rachida, militante dans une association musulmane. La biologiste estime que l'initiative de la mosquée de Gennevilliers est très prometteuse. Les habitants musulmans de cette ville proche de Paris peuvent acheter dans une grande surface le mouton hallal, égorgé selon le rite religieux, à la découpe ou entier. « Cela évite les spectacles déplorables qui peuvent heurter effectivement certaines personnes. Il faut privilégier la pédagogie et montrer tous les avantages de la discrétion. La foi n'est pas une course vers le paraître. » Les autorités rappellent chaque année l'interdiction formelle de tout abattage hors des abattoirs en activité. Khaled Bouchama, du Conseil régional du culte musulman (CRCM) d'Ile-de-France, cité par l'Afp, estime que les pouvoirs publics ne sont pas assez sensibilisés à la question de l'organisation de l'Aïd qui implique les représentants de l'Islam, les éleveurs, les abattoirs, les vétérinaires, la distribution. « 200 000 moutons à 200 euros la pièce, c'est un gros marché, qu'il faut organiser, décloisonner », s'insurge-t-il, remarquant que la demande est très supérieure à l'offre. Bémol : il reconnaît que l'organisation du marché est « compliquée » parce que l'Aïd, calendrier lunaire oblige, ne tombe pas à une date fixe. Pour le 31 décembre, Samia avait un plan imparable : ne rien organiser chez elle. « Je me fais avoir chaque année. Tous mes amis s'invitent chez moi parce que mon appartement est un peu grand. Résultat, je ne sors jamais de la cuisine de toute la soirée !! Ce n'est plus une fête mais une corvée. Ce dimanche, tout le monde au resto. Ce sera mon cadeau de Noël à moi. Ne rien faire sinon s'amuser. » Et pour marquer le coup, elle s'est achetée des vêtements neufs pour l'occasion. Comme quand elle était petite lors des fêtes de l'Aïd.