Aujourd'hui, le tribunal criminel de Blida aura à juger l'affaire Khalifa, une des plus complexes et des plus troublantes que la justice algérienne ait eu à examiner. 104 personnes sont poursuivies pour association de malfaiteurs, vol qualifié, escroquerie, abus de confiance et falsification de documents officiels. Parmi ces dernières, 35 ont passé la nuit à la prison de Blida (avec les sept prévenus en détention provisoire) alors que sept autres sont en fuite, dont Abdelmoumen Khalifa, le directeur général adjoint de Khalifa Bank, un conseiller de Abdelmoumen. Seront présents au procès, le directeur général adjoint chargé de la caisse principale, (incarcéré pour une autre affaire), le secrétaire de la caisse principale, sous contrôle judiciaire, le directeur général adjoint chargé de la sécurité, sous contrôle judiciaire, le directeur de l'Ecole nationale de police de Aïn Benian (détenu), le directeur des finances à Khalifa Airways (détenu), les directeurs des agences d'El Khalifa Bank d'Oran, de Chéraga (détenus pour une autre affaire) et des Abattoirs, qui est également représentant de la banque à Paris ainsi que 64 autres personnes, dont des responsables des OPGI et EPLF, des responsables des caisses sociales et des dirigeants de clubs sportifs. GRAVES ANOMALIES En dépit de l'optimisme des autorités algériennes à voir un jour Abdelmoumen Khalifa livré par les autorités britanniques, de nombreuses sources restent peu convaincues que ce dernier ne foulera pas le sol algérien tant que les vrais responsables de cette escroquerie du siècle ne sont pas cités par la justice algérienne. Cette affirmation vient du fait que durant la liquidation, un tri a été opéré pour protéger certains hauts cadres de l'armée et responsables de l'Etat, notamment des proches du Président. Comment ce jeune pharmacien a-t-il pu accéder aux cercles les plus restreints de l'Etat, financer des opérations de déplacements et même des manifestations culturelles et politiques officielles au profit du régime et à la fin s'envoler vers la Grande-Bretagne en laissant un trou qui dépasse les 3 milliards de dollars derrière lui ? L'instruction n'a pu apporter toutes les réponses. Les conditions dans lesquelles Abdelmoumen a créé sa banque, la colonne vertébrale du groupe, restent toujours sombres. Seuls quelques détails ont pu être élucidés par l'instruction. La banque a été créée le 25 mars 1998 avec un capital social de 500 millions de dinars et dont l'agrément a été signé, le 27 juillet 1998, par le gouverneur de la Banque d'Algérie, Abdelwahab Kerramane. Le 28 septembre 1998, Abdelmoumen a revu le statut de sa banque en introduisant un changement au niveau du conseil d'administration, mais aussi la répartition des actions sans aucune autorisation de la Banque d'Algérie, tel que le prévoit la réglementation bancaire. Première violation de la loi et aucune réaction de la Banque d'Algérie. Il a par la suite élargi les activités de la banque en ouvrant des agences à travers le pays et en créant dix autres sociétés : l'Eurl Khalifa Airways, créée le 1er juin 1999 avec un capital de 500 millions de dinars, l'Eurl Khalifa informatique créée le 13 juin 2000, avec un capital de 100 millions de dinars (dont 50% appartiennent à la banque et 50% à Khalifa Airways). Une répartition qui a également concerné d'autres filières telles que Khalifa prévention, créée le 13 juin 2000 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa catering, créée le 1er octobre 2000 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa rentcar, créée le 2 janvier 2001 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa confection, créée le 26 juin 2001 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa édition, créée le 16 août 2001 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa construction créée le 25 décembre 2001 avec un capital de 100 millions de dinars, Khalifa médicament créée le 15 juillet 2002 avec un capital de 5 millions, et Khalifa santé, créée le 15 juillet 2002 avec un capital de 5 millions de dinars. La Banque d'Algérie procède à plusieurs opérations de contrôle de la banque privée, dont la première a eu lieu entre janvier et février 2000, suivie d'un autre contrôle du 11 juin au 13 juillet 2000, puis ceux du 16 janvier, du 19 mai et du 10 octobre 2001 et enfin l'inspection du 22 septembre au 19 décembre 2002, sans compter celle des transferts de fonds de et vers l'étranger durant la période comprise entre le 3 novembre et le 18 décembre 2002. Ce n'est que le 27 novembre 2002, que la Banque d'Algérie a pris des mesures coercitives en commençant par l'arrêt des mouvements de capitaux. En dépit de cette mesure, d'autres transferts ont eu lieu en janvier (affaire de l'importation de la station de dessalement d'eau de mer) et ce n'est qu'en mars 2003 que la caisse principale a été contrôlée par les inspecteurs. De graves anomalies marquées par l'absence de documents d'entrée et de sortie des fonds, l'inexistence de registres des mouvements des capitaux entre les différentes agences et enfin l'absence de mesures administratives à l'encontre des responsables du trou financier de la caisse principale estimé à 22 milliards de dinars (soit 2200 milliards de centimes) et des centaines de milliards en devises ont été constatées. L'instruction de cette affaire, entamée en début 2003, a été clôturée en juin 2006 et examinée le même mois par la chambre d'accusation près la cour de Blida. Après plusieurs jours de délibération, la chambre d'accusation a décidé du renvoi de cette affaire devant le tribunal criminel de Blida après le rejet de tous les pourvois en cassation introduits par les mis en cause auprès de la Cour suprême.