Des voix s'élèvent pour revendiquer plus de place pour les psychologues dans le milieu scolaire. Quelle est leur utilité ? L'université d'Alger forme depuis plusieurs années des psychologues scolaires qui sont justement destinés à travailler, à collaborer avec les acteurs du système scolaire (chefs d'établissement, enseignants…). Cependant, leurs activités sur le terrain sont mal définies, ils se retrouvent « coincés » entre le conseiller d'orientation et le psychologue clinicien. Ils auraient pourtant un rôle important à accomplir, non pas dans un établissement précis mais ils pourraient être un repère, une référence, une aide pour un ensemble d'établissements relevant d'une même circonscription. Des enseignants rencontrant des difficultés dans la gestion du groupe-classe pourraient s'adresser à eux, cela permettrait de comprendre la dynamique du groupe-classe, éventuellement les conflits qui l'organisent… et tenter de trouver des solutions. Les enseignants pourraient également adresser au psychologue des enfants en difficulté scolaire (qui ne suivent pas, qui n'arrivent pas à se concentrer…), ou qui présentent des troubles du comportement (qui sont hyperactifs, agressifs…) ou des troubles affectifs comme le repli sur soi, la tristesse. Le psychologue fait à ce moment-là un diagnostic et prend les dispositions appropriées. Vous arrive-t-il à la Sarp d'aborder des problématiques scolaires ? Je vous dirais que la plupart des enfants que nous recevons à la SARP aussi bien à Dély Ibrahim, à Sidi Moussa ou à Corso sont amenés par leurs parents ou orientés par les enseignants pour des problèmes scolaires. Les motifs invoqués sont souvent le manque de concentration, les oublis, la difficulté à acquérir les connaissances scolaires… Ce sont-là des motifs récurrents. Cependant, le psychologue ne prend pas au pied de la lettre les motifs qui sont avancés. Il va développer une démarche et un ensemble d'opérations pour avoir une idée globale du sujet-enfant qu'il a en face de lui. L'échec scolaire est souvent un symptôme d'un mal-être plus profond dont le sens se trouve ailleurs. Les difficultés de l'enfant peuvent relever de causes plus extérieures, elles peuvent renvoyer à la relation maître-élève, certains enfants sont déclarés comme « nuls » ou « déficients » et n'ont plus aucun intérêt pour l'enseignant. Il s'avère que cet étiquetage est nocif pour l'enfant et qu'il peut marquer son destin scolaire. Certains enfants parlent de maltraitance de la part de leur enseignant ou de leurs pairs… A ce moment-là , le psy essayera avec les mots qu'il faut et les outils dont il dispose de sortir l'enfant de l'étiquetage qui est un véritable enfermement. Les problématiques scolaires sont aussi des sujets de recherche pour les équipes de la SARP. Un numéro spécial de notre revue a été consacré à cette question (« Apprentissages scolaires et contextes sociaux », revue Psychologie, n°10-11, 2002-2003). L'enfance est un sujet d'intérêt majeur pour le psy, dans la mesure où nous pensons que l'adulte est le fruit d'une histoire qui commence à la naissance. Encore un mot sur notre intérêt concernant l'enfance : nous menons actuellement une grande recherche sur la santé mentale des enfants. Quelle doit être la part de la psychologie dans le cursus de formation des futurs enseignants ? Je pense qu'il est indispensable que les enseignants aient des connaissances concernant le développement de l'enfant, aussi bien sur le plan cognitif que sur celui de la personnalité. En effet, des questions se posent : que peut faire un enfant à 4 ans, à 6 ans ? A quels types d'acquis doit-on s'attendre de sa part, comment peut-on susciter son intérêt, et de ce fait, quelle est la méthode pédagogique adaptée en fonction de l'âge de l'enfant et qui faciliterait les apprentissages scolaires ? Toutefois, l'enfant, l'être humain, ne peut être réduit à la sphère cognitive, il faut aussi se pencher sur ses intérêts, les spécificités de chaque étape de sa vie, les conflits qu'il a à résoudre au cours de son développement, les contraintes internes et externes qui pèsent sur lui. Ces conflits sont certes structurants mais il faut les élaborer et l'étayage du milieu est indispensable. Par ailleurs, le groupe-classe a ses spécificités, une dynamique émerge dans une classe , il y a des styles de conduite des groupes…Et là aussi la psychologie peut intervenir pour expliciter ce qui se déroule dans la structuration d'un groupe, dans sa dynamique. A mon avis, une sensibilisation des enseignants à toutes ces questions relatives au développement de l'enfant et de l'adolescent les aidera énormément à accomplir le dur et noble travail qui est le leur.