Changement de décor. Les dédales noir et blanc qui jalonnaient l'entrée et l'espace entourant l'institut national de musique à Alger ont été cassés. Hormis des travaux qui ont été aussi longs que le métro, ce qui secoue l'INSM, l'insitut national supérieur de musique, c'est le conflit qui oppose depuis plusieurs années le ministère de l'Enseignement supérieur à celui de la Culture. La reconnaissance du diplôme est l'œuvre d'une bataille acharnée menée par l'ensemble des étudiants en musicologie, et ce, depuis de nombreuses années. L'excuse avancée par Mme Mokrane, directrice de l'établissement, en 2005, lors d'un premier mouvement de grève lancé par les étudiants en musique, est que la double appartenance de l'INSM au ministère de la Culture et au ministère de l'Enseignement supérieur fait que chacune des tutelles se renvoie la responsabilité de la reconnaissance du diplôme. Mme Mokrane a été remplacée par Mme Santor. Le discours est resté le même à ceci près que la nouvelle directrice semble appuyer la position du ministère de l'Enseignement supérieur. « Ces élèves veulent que le ministère de l'Enseignement supérieur signe leur diplôme et le reconnaisse. Mais ils n'ont même pas le bac », rétorque-t-elle. « J'ai fait six années d'études en musique à l'institut régional supérieur de musique, explique l'étudiant Fawzi Abbas. Et pour eux, ça n'a aucune équivalence avec le bac. » « Grâce à notre mouvement de grève, nous avons pu obtenir des instruments de musique. On peut dire qu'aujourd'hui à l'institut, il existe suffisamment d'instruments pour tout le monde », ajoute Fawzi Abbas. En effet, en 2004, l'INSM comptait 4 pianos pour 86 étudiants. Aujourd'hui, on dénombre des trompettes, des guitares et des pianos, voire des basses pour… 30 étudiants. Pourquoi si peu d'étudiants ? « Neuf étudiants sont poursuivis en justice et rejetés provisoirement de l'Institut. La décision du tribunal déterminera s'il convient de les réintégrer ou pas », explique Mme Santor. Deux autres étudiants ont été exclus définitivement. « Mais il existe aussi des étudiants qui ont dû faire la promesse de ne plus semer le trouble en procédant à des grèves s'ils voulaient rester à l'institut », soutient Fawzi Abbas. Information démentie par la directrice. « L'histoire est longue et date de février. Pour commencer, certains étudiants ont créé du désordre en cassant des lits aux dortoirs sous prétexte que nous avions accepté de faire partager leurs chambres avec des étudiantes qui venaient de l'Ecole des beaux-arts. Nous les avons donc poursuivis pour dégradation des biens matériels de l'établissement », argumente la directrice de l'INSM. Dix jeunes filles ont été exclues pendant une durée d'un mois. Elle ajoutera que certains s'en sont pris violemment à des étudiants qui désiraient travailler en leur lançant de l'acide et du vitriol. Il s'agissait, selon les propos de la directrice, de mettre un terme à cet excès de violence en punissant sévèrement les responsables. Fawzi Abbas fait partie des étudiants poursuivis en justice. Il affirme que bien qu'il soit exact que les jeunes filles du dortoir aient refusé de partager leurs chambres avec celles venant de l'Ecole des beaux-arts, il n'en demeure pas moins que personne n'a cassé de lit. « C'est une chambre faite pour 4 élèves et on en rajoute 4 autres. La seule chose qu'elles aient faite, c'est de plier le lit, car il est pliable et le déposer dans le couloir. D'emblée, on a grossi l'affaire en parlant de dégradation », se défend l'étudiant. Selon lui, mais également tout un ensemble d'étudiants solidaires, ces manœuvres consistent à faire oublier leur revendication principale et qui consiste en la reconnaissance de leur diplôme. « Il faut savoir que certains étudiants sont nourris et logés aux frais de l'Etat. L'un de ceux qui ont été exclus et poursuivis en justice a 42 ans », rétorque le directrice. Mme Santor se fera discrète sur le nombre d'instruments acquis par l'institut, mais prétend qu'il est projeté d'acquérir des instruments de type traditionnel et d'inclure des cours de musique andalouse. Un conflit « social » qui perdure et semble s'enliser. Les promotions passent et les revendications sont les mêmes. De l'autre côté, le premier responsable de l'établissement parle de doléances « impossibles à réaliser », sans entrer davantage dans les détails.