Coincée entre deux montagnes à 30 km au sud de Constantine, la petite localité d'El Guerrah, plus connue par El Gourzi, qui compte une population estimée à plus de 5000 habitants, est confinée dans une marginalisation qui dure depuis des décennies. Dépendant administrativement de la commune de Ouled Rahmoun, elle est parmi les rares agglomérations à avoir un accès vers deux routes nationales, la RN3 reliant El Khroub à Aïn Mlila et la RN79 menant vers Constantine. Pourtant El Guerrah donne plutôt l'allure d'être plantée dans un décor du Far west. Une seule rue traverse le village en le séparant en deux parties comme autant de rives. Le côté Ouest où l'on ne compte qu'une rangée désordonnée d'habitations individuelles alors que un carré d'immeubles de quatre étages ont poussé depuis quelques années au milieu d'un terrain boueux menant vers une gare ferroviaire d'un autre âge. « C'est d'ailleurs le seul lieu qui nous rappelle un quelconque lien avec la civilisation même si la petite gare n'est qu'une simple escale pour les voyageurs venant à bord du train d'Alger pour regagner la wilaya de Batna », nous affirme Tahar, travailleur à la Sonacome et qui essaie de joindre les deux bouts en gérant une petite épicerie à l'image de tous ses concitoyens. La majorité des habitants d'El Guerrah sont les enfants des nombreuses familles qui ont quitté les montagnes et les douars environnants durant la guerre de Libération. Les maisons précaires de l'époque coloniale occupant une bonne partie d'un semblant de tissu urbain se greffent aux habitations construites sur la rue principale où les disparités sont apparentes. Les habitants, qui se sont soulevés en barrant la route à deux reprises en 2006, expriment leur lassitude d'attendre des quotas de logements qui n'arrivent pas. C'est d'ailleurs le quota de logements attribué récemment à la localité de Bounouara qui a fait exploser leur colère. « Nous sommes bien lésés en matière de programmes de développement dans toute la commune de Ouled Rahmoun ;on a beau crier notre malaise mais sans résultat », disent certains. Lors des évènements de novembre 2006, dans un dernier sursaut, ils ont exigé la venue du wali de Constantine, car il n'ont pas trouvé d'écoute du côté de la commune de Ouled Rahmoun et de la daïra d'El Khroub. Le fameux projet de branchement de la localité au réseau de gaz naturel tarde toujours à se concrétiser. Le froid est très rude à El Guerrah où la bouteille de gaz butane achetée pour 210 DA dure à peine quatre jours, rien que pour la cuisson alors qu'il faut dix litres de mazout quotidiennement pour le chauffage. A la sortie nord du village, le lotissement El Wiam, regroupant 75 maisons, est toujours sans électricité ni assainissement. Une situation qui dure depuis 2002 et qui encourage les branchements illicites, alors que les bénéficiaires se débrouillent comme ils peuvent pour dégager leurs eaux usées. Le transport est insuffisant, car trois transporteurs n'arrivent pas à satisfaire la demande. « Les lycéens éprouvent des difficultés pour rejoindre la commune de Ouled Rahmoun distante d'une dizaine de kilomètres. Les travailleurs sont obligés de se déplacer jusqu'à la RN3 pour prendre le bus d'El Khroub, interdit d'accéder à El Gourzi », ce sont les propos de quelques habitants rencontrés dans un café. Les cafés constituent le seul refuge d'une grande frange de la population, désœuvrée, où l'ambiance couve quelque colère.