Dans l'immense jardin de l'ancien institut agronomique, la diversité floristique d'antan est en train de s'amenuiser à grande vitesse. Beaucoup d'admirateurs de ce qui fut un beau et riche jardin botanique- ce qui est la véritable vocation d'une école de formation supérieure agronomique- se désolent en silence de cette lente et apparemment inexorable descente aux enfers. Certains craignent qu'à ce rythme, on ne se retrouve à la case départ de cette ancienne caserne militaire où seuls les bidasses et les ficus avaient droit de cité. Car, lors de la cession par le ministère de la Défense de l'ex-caserne Colonieu à l'Agriculture, les espaces verts se limitaient aux rangées de ficus, quatre mûriers et une treille de vigne. L'aménagement des espaces verts sera l'œuvre de feu Hadj Benabdallah Benzaza, le plus charismatique et incontestablement le plus entreprenant de ses sept directeurs successifs. C'est grâce à sa pugnacité que l'ITA aura droit à une immense esplanade où se produiront les plus grands orchestres andalous. L'arrivée, en 1995, du très avisé Rabah Zaoui, qui capitalisait à l'époque 25 années d'expérience au jardin d'essais du Hamma, se traduira par de grands bouleversements au niveau des espaces verts. Il y eut la construction, avec des moyens dérisoires, d'une serre d'acclimatation où prendront place plus de 330 espèces horticoles, dont certaines étaient totalement inconnues dans la région. solitude et sécheresse Malheureusement, ce joyau avec toute sa collection sera inéluctablement perdu suite à la décision de l'ancien wali de doubler la rue Hocine Hamadou, en empiétant sur le patrimoine foncier de l'université. La serre qui faisait la fierté des admirateurs de la nature et des étudiants et enseignants de l'ex-ITA -qui y trouvaient un formidable terrain d'expérimentation et de travaux pratiques- sera détruite à jamais. La collection florale sera transférée à la ferme expérimentale de Mazagran où elle dépérira dans la solitude et la sécheresse estivales. De ce cataclysme sans précédent, il y eut quelques miracles. En effet, certains hibiscus bien en vue parviendront à survivre malgré l'adversité. Les Lantanas camara et autres Pittosporum, parce que très résistants, continueront à maintenir l'illusion. Mais, à l'orée de cette nouvelle année, ce sont les narcisses qui se feront agresser par un jardinier acariâtre. Très à l'aise derrière une tondeuse fort bruyante, il ne ménagera pas ses efforts pour couper de très prêt le gazon. Mais dans son acharnement à vouloir bien faire, il traitera les dernières pousses de narcisse sans ménagements. Celles qui avaient l'outrecuidance de lui résister en se couchant sur le gazon pour échapper à la lame, auront droit à un traitement de choc. Ce n'est qu'une fois que le pauvre narcisse se sera vidé de sa sève que le tondeur de service, visiblement satisfait du résultat, s'en ira quêter une autre plante récalcitrante. Les bulbes qui commençaient à peine à monter en fleur seront stoppés net à quelques jours du printemps. N'ayant pas accomplis leur cycle biologique, ne disposant plus des feuilles nourricières, ils devront se contenter du peu de réserves pour survivre jusqu'à l'année prochaine. Ceux et celles qui avaient le redoutable privilège d'en faire des bouquets très parfumés devront en faire le deuil.