Les ingénieurs de l'Agence nationale pour la conservation de la nature (ANN) dénoncent la façon dont les autorités procèdent à la remise en l'état du jardin d'Essais du Hamma, mondialement connu pour ses valeurs historiques, esthétiques et scientifiques. L'annonce de la création d'un Etablissement public à caractère industriel et commercial (Epic) pour la gestion de ce patrimoine naturel a été pour eux un coup de couteau dans le dos. « Nous avons été surpris dernièrement, suite à l'article paru dans le Quotidien d'Oran, en date du 16 novembre, mentionnant que la wilaya d'Alger envisage la création d'un Epic pour gérer ce site unique ». Cette affirmation est en totale contradiction avec ce qui avait été mentionné auparavant lors d'une réunion au siège de la daïra d'Hussein Dey, écrivent-ils dans un courrier rendu public dimanche dernier. En effet, une réunion de travail, ajoutent-ils, a regroupé ces spécialistes avec le wali délégué de Hussein Dey, Aboubaker Bousseta, suite à une information rapportée par la presse, suivant laquelle le jardin sera désormais sous la gestion d'un Epic, donc de la wilaya. « A l'occasion de la réunion, le wali délégué a indiqué que cette information n'a aucun fondement. Mais voilà qu'il confirme la création de cet Epic », confie un fonctionnaire de l'ANN. Les rédacteurs de ce courrier font remarquer que « tout Epic est à but mercantile et lucratif va transformer le jardin de sa vocation botanique, de recherche, de conservation et de sensibilisation du grand public, avec le risque de déperdition des collections rares du jardin ». Les aménagements qui se font actuellement au niveau de ce jardin sont décriés par les fonctionnaires de l'ANN. « Nous passons outre les aménagements inadéquats qui se font actuellement dans ce jardin par les entreprises de la wilaya d'Alger à qui on a fait confondre aménagements urbains avec aménagements de jardins botaniques », ajoutent-ils. Le recours aux matériaux et équipements standardisés (poteaux électriques, panneaux de signalisation, poubelles, goudronnage...), selon eux, est inapproprié. Tout type d'aménagement dans ce site, avancent les ingénieurs, doit répondre aux prescriptions techniques strictes d'un cahier des charges élaboré par des spécialistes du domaine relevant des bureaux d'études ou d'organismes spécialisés nationaux ou internationaux. C'est à ce titre que le personnel de l'ANN, désormais déchargé de la gestion du jardin d'Essais, dénonce sa mise à l'écart. « De mauvaises langues nous font porter la responsabilité de la dégradation des lieux, ce qui n'est pas le cas », tranche un chercheur. « Notre contribution en tant que spécialistes du domaine s'est heurtée à maintes reprises aux institutions de tutelle, qui n'ont malheureusement pas compris l'importance du rôle et des missions que doit et devrait jouer le jardin d'Essais », notent-ils encore. Pour eux, il s'agit pour le moment « d'éviter de dénaturer le cachet, le caractère naturel rustique et la diversité faunistique et floristique qui font toute la beauté et l'origine de ce jardin légendaire » qui a beaucoup fait parler de lui depuis l'arrivée de Kebir Mohamed Addou à la tête de la wilaya. Plus explicites, ces ingénieurs, mis à l'écart, proposent le classement en urgence de ce site en tant que jardin botanique et patrimoine national naturel. « D'ailleurs, il répond déjà à 9 sur 12 des critères de classification d'un jardin botanique, élaborés par l'organisme international chargé de la conservation des jardins botaniques (BGCI) », écrivent-ils.