Partira, partira pas. La question se pose depuis fort longtemps, mais la réponse reste la même, puisque chaque jour de nouveaux arguments sont apportés. En définitive, tout laisse croire que les troupes de la coalition américaine en tête vont rester en Irak. Tout avait été dit sur le gouvernement en place, ses relations avec les différentes milices. Mais cette fois, c'est l'armée irakienne celle-là même, qui est appelée à se substituer aux armées étrangères, qui est sur la sellette. Ainsi apprenait-on hier, la corruption est largement répandue dans l'armée irakienne et entrave les efforts entrepris pour la rendre plus efficace, selon un article publié hier par le quotidien britannique The Times. Parmi les diverses formes de corruption rapportées par le journal figure l'ajout sur les listes d'effectifs de « soldats fantômes » dont certains officiers se partagent les soldes ou la vente d'armes et de carburant au marché noir. Selon The Times, le général Khalid Juad Khadim, commandant d'une brigade de l'armée irakienne à Falloujah, à l'ouest de Baghdad, a été relevé de ses fonctions en janvier. Ce militaire, soupçonné de liens avec des milices chiites, est accusé de vendre des armes et du carburant, a déclaré au Times un officier américain, le lieutenant-colonel James Teeples, qui a été conseiller des troupes irakiennes à Falloujah. « Il vend des armes sur le marché noir à Baghdad. Il vend de l'essence que la coalition (dirigée par les Américains) fournit à la brigade », a déclaré l'officier. Selon lui, cette brigade irakienne comporte des « soldats fantômes ». « La brigade fournit chaque mois au ministère de la Défense une liste en vue du paiement des soldats. Disons qu'elle comporte 2000 noms, sur lesquels peut-être 1700 sont réels. Que se passe-t-il avec l'argent versé pour les 300 autres ? Il est réparti entre plusieurs personnes, plusieurs responsables de la brigade, dont son commandant », a expliqué l'officier américain. « Je sais qu'il y a des problèmes avec d'autres commandants d'unités, et je sais qu'il y a des problèmes avec des gens au ministère de la Défense », a déclaré le lieutenant-colonel Teeples au Times. Un officier irakien, cité par le quotidien britannique, a également évoqué des faits de corruption au ministère irakien de la Défense. « Le problème au ministère de la Défense, c'est la corruption, à cent pour cent », a déclaré le lieutenant-colonel Tahsen Jabour Ahmed Sabih. « Ces gens qui travaillent au ministère de la Défense, certains d'entre eux soutiennent le terrorisme. Cela ne veut pas seulement dire tuer des gens innocents (...), ils travaillent pour leur propre bénéfice », a-t-il affirmé. Normal dira-t-on quand un ministre de la Défense est lui-même accusé de détournement. Mais à ce stade, la question est d'une extrême sensibilité, puisque les effectifs sont gonflés, et que des moyens sont cédés à des milices qui font la guerre aussi bien à l'occupant qu'aux autres groupes ethniques irakiens, sinon uniquement à ces derniers. Il y a un réel problème de confiance qui empêche par conséquent de soulever la question du retrait. Pendant ce temps, le secrétaire d'Etat américain à la Défense Robert Gates effectuait hier sa seconde visite en Irak en un mois, quelques heures après l'arrestation à Baghdad d'un proche du puissant chef radical chiite Moqtada Sadr. M. Gates, nommé en novembre à la tête du Pentagone, devait s'enquérir à Bassorah, de la situation sur le terrain auprès du général George Casey, commandant de la Force multinationale en Irak sur le départ, et du général Jonathan Shaw qui dirige les troupes britanniques à Bassorah (550 km au sud de Baghdad). Il n'est pas prévu qu'il se rende à Baghdad, où 17 500 soldats américains doivent arriver en renfort dans les prochaines semaines pour tenter de rétablir la sécurité dans la capitale déchirée par les violences confessionnelles meurtrières. Ces renforts sont prévus dans la nouvelle stratégie controversée du président George W. Bush pour l'Irak. Avant de venir à Bassorah, M. Gates a visité plusieurs pays arabes du Golfe alliés des Etats-Unis en vue de les rallier à cette stratégie et de tenter de contrer le rôle de l'Iran en Irak. Il y a été précédé par la Secrétaire d'Etat Condoleezza Rice avec le même objectif. Elle en est repartie avec l'accord de certains de ses interlocuteurs.