Il y a une dizaine de jours, sept jeunes d'El Kala ont quitté clandestinement le pays dans la nuit pour les côtes de la Sardaigne, à 200 km plein nord d'El Kala. Ils ont mis pied à terre sur la grande île italienne le lendemain au terme d'une traversée d'une dizaine d'heures, selon les informations recueillies auprès des familles qui, officiellement, ne déclarent pas la disparition pour éviter de leur faire porter l'accusation d'émigration clandestine. Les fugitifs ont téléphoné dès leur arrivée pour rassurer les leurs. En effet, à El Kala, pendant que les gardes-côtes, avisés officiellement dès les premières heures de la disparition des deux bateaux, lançaient les recherches qui leur ont permis d'ailleurs de retrouver l'une des deux embarcations vides, la ville retenait son souffle. Sept jeunes de la cité FLN que tout le monde connaît, qu'on a vus grandir au fil des ans mais pas s'épanouir, ont pris le risque de perdre la vie et d'accabler leurs familles même si ce jour-là, la mer, très calme, rassérénait les esprits. Puis, ce qui fatalement devait arriver un jour pour El Kala s'est produit. Vers 13h, une nouvelle se répand comme une traînée de poudre : « Ils viennent de téléphoner. Ils sont tous arrivés sains et saufs ». Dieu seul sait les proportions que va prendre cette nouvelle saignée de jeunes, cantonnée jusque-là à l'ouest du pays parce que, pensait-on, la traversée de la mer d'Alboran est plus courte. Une première tentative a eu lieu l'été dernier mais elle s'est soldée par un échec à cause d'une houle impromptue. Tout le monde s'accorde à dire que c'est le retentissement de la fuite par Sidi Salem (Annaba) à la fin de l'année dernière de plusieurs dizaines de jeunes venus de toutes les wilayas de l'Est, que les jeunes d'El Kala se sont enhardis et à leur tour ont tenté leur chance. A leur arrivée en Sardaigne, cinq des jeunes d'El Kala se sont fait prendre par les gardes italiens et incarcérés quelques jours. Ils sont passés à la télé, la Raï Uno SVP. Même menottés, ils sont devenus des vedettes et, c'est ce qu'il faut déplorer, car c'est le plus dramatique, pour ce pays, des exemples à suivre pour tous les autres. Deux d'entre eux ont pu échapper à tous les contrôles et se rendre à Rome où ils ont trouvé de l'aide chez des compatriotes. Les autres, restés en Sardaigne, sont entrés en contact avec d'anciens plongeurs sardes qui travaillaient dans le corail à El Kala. Aujourd'hui, tous ont obtenu une carte de circulation. Le colonel Diffaïri, porte-parole des forces navales, déplorait, dans un point de presse qu'il nous avait accordé une semaine avant à El Kala, après l'attaque de la caserne des gardes-côtes, la montée en cadence de ce phénomène qui ne pouvait pas épargner El Kala même si l'Italie est plus loin que l'Espagne. Il y a, selon lui, de fortes probabilités qu'El Kala devienne une voie de passage privilégiée pour l'émigration clandestine nationale ou subsaharienne, pour la simple raison que les autorités italiennes sont moins sévères à l'encontre des clandestins. Il a tenu à rappeler que rares sont les expéditions de ce genre qui réussissent. Les clandestins préfèrent utiliser de petites embarcations pour ne pas se faire repérer mais elles ne résistent que miraculeusement à la haute mer. Il a déclaré qu'en 2006, 33 corps de jeunes Algériens ont été repêchés seulement sur la façade maritime Est, entre Béjaïa et El Kala. Pour lui, il ne peut s'agir que de harraga que leurs parents croient certainement confortablement installés à l'étranger.