Depuis pratiquement une semaine, où les conditions de navigation sont très favorables, la grande invasion vers l'île de la Sardaigne (Italie) qu'avaient préparée durant plusieurs mois des jeunes des quartiers populeux de la Coquette, voire des autres régions limitrophes, a bel et bien commencé. D'ailleurs depuis, il ne se passe pas un jour sans que des jeunes, et parfois même des moins jeunes, ne tentent avec des moyens dérisoires de rejoindre les côtes européennes. Plus que jamais auparavant, les candidats à l'émigration clandestine semblent déterminés à aller jusqu'au bout de leur désespoir et l'on appréhende le pire pour les jours à venir. En effet, encouragés par la traversée de la grande bleue avec succès par plusieurs harragas, à bord d'embarcations de fortune, aujourd'hui, ils sont des dizaines à vouloir joindre, notamment l'île de la Sardaigne, distante de quelque 230 km à peine de la façade maritime algérienne est. Selon certaines informations recueillies auprès des jeunes des différents quartiers et qui n'ont pu être vérifiées qu'en partie, il est fait état de groupes de 12, 14, voire 15 candidats à l'émigration clandestine issus, entre autres, de la place d'Armes et de Béni M'haffeur qui ont pu poser pied sur le continent européen et qui auraient contacté leur famille par téléphone. La publication la semaine écoulée d'une horrible image à la grande une de certains médias, à savoir le cadavre en état de décomposition avancé d'un jeune candidat à l'émigration clandestine comme le laissent supposer certains indices trouvés dans ce qui lui restait comme vêtements, n'a nullement découragé les potentiels candidats. En trois jours seulement, près d'une cinquantaine de harragas avait été interceptée par les gardes côtes au niveau de la façade maritime de l'est du pays, principalement au large des côtes d'Annaba et d'El-tarf. Ils ont été arrêtés pas plus tard que jeudi dernier aux environs de 6h du matin à quelque 15 miles au nord de cap Rosa d'El-Kala (El-Tarf). Ces candidats à l'émigration clandestine, dont l'âge varie entre 25 et 32 ans, sont de Annaba, Constantine, Skikda, El-Tarf et Jijel. Les gardes côtes de la Marine nationale, qui sont pourtant mobilisés H24 avec, en plus, un renforcement en équipement très efficace pour la lutte contre ce fléau, n'arrivent pas à juguler malgré toute leur volonté cette expression de désarroi sociétal affiché par les jeunes. En ce qui concerne le pourquoi de ce phénomène, l'ambassadeur d'Italie à Alger, M. Gianpaolo Cantini, a révélé lors de sa visite à Annaba dimanche dernier que des réseaux mafieux agissant tant en Algérie que de l'autre côté de la Méditerranée prennent en charge les jeunes désespérés et les utilisent dans toutes sortes d'activités douteuses dès leur arrivée en Italie. Cette thèse, qui est totalement partagée par les pouvoirs publics du pays, n'est pas de l'avis des harragas, qui justifient leur acte par la misère au quotidien. Le diplomate italien a communiqué des chiffres alarmants qui ne contredisent nullement ces affirmations, bien au contraire. M. Cantini a clairement déclaré que rien que pour l'année 2007, quelque 1 500 immigrants clandestins venus d'Algérie, principalement de l'est de l'Algérie, ont transité par les services de l'immigration italiens. Ainsi, la tragédie des jeunes “programmés” pour la traversée de la grande bleue et, surtout, avec l'esprit d'une aventure sans lendemain, continue de frapper de plein fouet les familles annabies et la société dans son ensemble, notamment celles des disparus qui vivent, depuis, dans un état de psychose. À Annaba, toutes les familles se sentent menacées par le phénomène, surtout que des pans importants de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. B. BADIS