Il est heureux que le président de la République mette le doigt sur une des plaies purulentes - la corruption qui gangrène la société, institutionnalisant cette pratique antiéconomique devenue un passage obligé pour obtenir des passe-droits. Il aura fallu un scandale de la dimension de celui du groupe Khalifa qui a éclaboussé l'establishment et sa périphérie et les rapports alarmants des organisations non gouvernementales comme Transparency ou encore ceux de la Banque mondiale qui classent honteusement l'Algérie dans le peloton de tête des pays affectés par le phénomène de la corruption, mais aussi et surtout l'insistance de nos partenaires étrangers afin de nettoyer nos écuries d'Augias pour que les consciences se réveillent enfin dans notre pays et crient halte à la corruption. Le rapport de l'institution de Bretton Woods nous apprend avec chiffres à l'appui que le phénomène est non seulement répandu en Algérie, chose qui est de notoriété publique, mais il bénéficie d'une couverture politique, ce qui n'est pas non plus un secret. La conjonction des deux sphères, économique, ou pour être plus précis du monde des affaires ou de l'affairisme, et du pouvoir politique, qui forment parfois une seule et même entité, donne à cette pratique qui est sévèrement réprimée dans les sociétés démocratiques un caractère presque banal et garantit à ses auteurs - corrupteurs et corrompus confondus - une totale impunité chez nous. Si le recours à la corruption ouvre bien des portes à ceux qui utilisent cette pratique répréhensible et peu glorieuse qui mène à la rente, il en ferme bien d'autres devant l'économie nationale en termes de climat d'investissement. Les surcoûts générés par la corruption dans un monde d'affaires où la concurrence fait rage découragent en effet les investisseurs honnêtes qui créent réellement la richesse et favorisent, a contrario, la faune de prédateurs qui écument les richesses du pays en toute « légalité ». La solution à ce problème vécu jusqu'ici comme une fatalité n'est ni dans la mise en place de mécanismes et de cadre législatif la corruption n'est-elle pas déjà un délit au regard de la loi algérienne ? Une loi qu'il faudrait très certainement affiner et adapter aux exigences économiques d'aujourd'hui, mais elle réside, bien plus, dans la volonté politique au sommet de l'Etat de porter et d'accompagner cette dynamique de développement fondée sur la rationalité économique et la transparence dans la gestion des affaires du pays. La vraie question est de savoir si, après son plébiscite d'avril dernier, Bouteflika a les coudées réellement franches pour s'attaquer aux nids, tous les nids de la corruption et de la rente mal acquise, où qu'ils se trouvent.