Le paisible village d'El Mansoura a connu hier un mouvement des plus inhabituels. L'audition par le magistrat instructeur près le tribunal de la localité précitée des présumés impliqués dans l'affaire des 14 fœtus et des 3 pieds qui défraye la chronique à Bordj Bou Arréridj en est l'origine. Les locaux de l'exigu tribunal n'ont pu contenir la foule, venue pour connaître sans nul doute les tenants et les aboutissants d'un feuilleton qui ne trouve pas son épilogue. L'on apprend que le magistrat a d'emblée auditionné les quatre principaux accusés, à savoir un chauffeur, deux agents et l'administrateur de la clinique poursuivis pour transport et enterrement illégal des fœtus dont le poids variait entre 5 g et 1 kg. Selon une source digne de foi, certains fœtus avaient 6 mois. Selon la même source, cette manière de procéder ne date pas d'hier, elle se pratiquait depuis donc des mois. D'autant que les enquêteurs ont découvert cinq autres fausses tombes. Le directeur technique, deux gynécologues et le gérant de la clinique d'El Yachir ont été eux aussi entendus par le magistrat tout comme huit sages-femmes. Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons que les quatre principaux accusés ainsi que le directeur de la clinique ont été mis en détention préventive au motif de dissimulation de cadavres et que les deux gynécologues sont placés sous contrôle judiciaire pour avortement. Selon les enquêteurs, les prévenus sont passibles de sanctions, sachant que l'enterrement illégal et dans différents lieux, en plus à proximité d'une décharge publique, est considéré comme un délit. Beaucoup de non-dits entourent cette affaire. Les officiels ainsi que la population s'interrogent sur les motifs ayant poussé les inculpés à agir de la sorte, d'autant que la clinique d'El Yachir est semble-t-il dotée d'un des meilleurs incinérateurs de la région. L'on se demande en outre pour quelle raison les gestionnaires de la structure précitée n'avaient pas demandé le plus normalement du monde le permis d'inhumer que l'APC aurait sans nul doute délivré. Quatre couples ont été eux aussi entendus pour qu'ils apportent leur témoignage sur la question de l'interruption de grossesse. Selon les informations en notre possession, un des accusés aurait évité l'incinérateur pour des considérations religieuses. Sous le sceau de l'anonymat, des agents de la clinique enfoncent l'administrateur qui aurait agi sans aviser les gestionnaires et sans prendre attache avec la municipalité. Cette scabreuse affaire a fortement éclaboussé El Yachir, le point de passage privilégié des voyageurs de la RN5 à la quête de délicieuses brochettes et de la réputée viande ovine. Encore sous le choc, la population n'en revient toujours pas. De nombreux citoyens rencontrés sur les lieux pointent du doigt les cliniques privées. « Il est vrai que les prestations des cliniques privées sont meilleures, mais un contrôle rigoureux ne ferait que du bien aux patients obligés de débourser tout un pactole pour le moindre acte chirurgical. L'Etat ne doit pas fermer l'œil sur certaines pratiques qui se déroulent au vu et au su de tout le monde », diront des citoyens incrédules. Voulant connaître la position du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, ce dernier nous a orienté vers la direction de la santé de Bordj Bou Arréridj dont le téléphone était branché sur fax. Notons à toute fin utile que le secteur public de la wilaya est dépourvu du moindre gynécologue.