A cause de petits travaux qui s'éternisent, quelques mètres carrés de béton pour agrandir le hall devenu trop étroit, la poste, la « nouvelle poste » d'El Kala, vieille d'à peine une vingtaine d'années, est devenue depuis plusieurs mois un endroit obscur et d'une saleté repoussante. Il n'y a pas un moment de la journée où les usagers ne se bousculent pas devant les guichets, où les ordinateurs fonctionnent par intermittence comme si Algérie Poste trouvait un plaisir sadique à entasser le public, qui, il faut le dire aussi, n'a toujours pas appris à faire la queue 45 ans après l'indépendance. Depuis qu'elle est en chantier, on accède aux guichets de la poste par une ouverture percée à la hâte dans l'une des parois de ce qui était avant cela un garage. Bien entendu, ce ne devait être que temporaire, et c'est pour cette raison que le nouveau passage est calculé pour ne laisser passer qu'une petite personne à la fois. Et il faut prendre garde de bien enjamber le seuil si on ne veut pas s'étaler sur le sol. A l'intérieur, il fait sombre, l'odeur de fauve vous prend à la gorge, les murs et le plafond s'écaillent et le sol est recouvert d'une épaisse couche de poussière qui, battue par les pas de la cohue, remonte dans l'air jusqu'aux narines, dans la bouche, les cheveux et se dépose sur les vêtements. C'est d'ailleurs de cette manière que la poussière est évacuée des lieux, affirment sans plaisanter des habitués de ce haut lieu du service public. Dans la pénombre, on reconnaît dans le fond une armoire réfrigérante qui pose un sérieux problème. On se demande toujours ce qu'elle fait là alors que les usagers et le personnel ont souffert le martyre jusqu'à se taper dessus pendant les grosses chaleurs des derniers étés. Mais, revenons à nos travaux. Ils durent plus que la normale algérienne, ce qui est déjà énorme. C'est pour faire de la place, environ deux mètres de plus de largeur pour le hall. Mais au milieu de ce hall trône le DAB, le distributeur automatique de billets de la SATIM. Quatre mètre carrés à lui tout seul. L'appareil qui devait mettre fin au calvaire des longues attentes pour les retraits n'a jamais pu rendre les services qu'on attendait de lui. Et pourtant on se souvient des lendemains heureux que devait nous apporter cet outil qui n'a toujours pas trouvé sa place dans une économie dominée par le sachet noir, l'absence de facture, la thésaurisation parce que de temps à autre l'argent liquide vient à manquer, les chèques CCP refusés même à la poste et tout le toutim. Le plus exaspérant avec le DAB d'El Kala mais aussi celui d'El Tarf, les seuls de toute la wilaya, c'est que la SATIM, la société publique qui gère aussi mal ces appareils depuis une dizaine d'années et qui projette de se lancer dans la généralisation de la carte de crédit, continue d'envoyer, aux usagers qui n'en ont que faire, les cartes interbancaires en contrepartie de 300 DA. Ceci en dépit des nombreuses réclamations qui lui ont été adressées jusqu'au plus haut niveau de responsabilité, c'est-à-dire les grands chefs de la boîte à Alger. A El Kala, le DAB prend de l'argent au détenteur de CCP au lieu de rendre le sien au moment voulu. Il prend de la place, mais on ne peut pas s'en priver, parce qu'il fait bien , vu de l'extérieur, donnant la petite touche de modernisme trompe-l'œil, on a donc lancé ces travaux d'agrandissement qui n'en finissent pas de pourrir la vie aux gens. On a beau chercher une logique à cet enchaînement, on ne trouve que de l'absurde. Autre chose encore, El Kala possède aujourd'hui la seule agence d'Algérie Poste, comme ils disent, où on ne peut pas encaisser son argent par le retrait à vue, le carton comme on l'appelle communément. Réponse certifiée du grand chef de la boîte à El Tarf : « C'est pas normal mais je n'y peux rien ».