Entre « C'est vous les gens de la presse qui nous font de la mauvaise publicité ! » que nous lancent des commerçants aigris et des élus amers et « Qu'est-ce que vous attendez pour dénoncer toute cette saleté qui nous envahit ? » de la population résidente et estivante, il y a une chose commune, la baisse nettement perceptible, cette année, des vacanciers à El Kala. Il y en a un tiers de moins », se plaint le gérant de parking de la Messida qui encaisse 100 DA à chaque passage de véhicule. « On fait environ 150 véhicules par jour et presque le double les week-ends, c'est 30% en moins que l'année dernière à la même époque », précise notre interlocuteur qui explique encore que « c'est la même chose à Annaba, car les vacanciers habituels qui viennent surtout de Constantine ont préféré la zone de Jijel-Béjaïa ou Sousse-Hammamet en Tunisie. C'est moins cher, c'est plus tranquille et surtout c'est plus propre ! » « Ici, à la Messida, qui est connue dans tout le pays, il n'y a pas d'eau, pas de toilettes, pas de commodités. Seulement aujourd'hui, deux mois après l'ouverture de la saison, on vient enfin de fermer une gargote pour manque d'hygiène et absence de registre de commerce ! Il y a huit employés chargés de nettoyer la plage, mais les déchets ramassés restent sur place longtemps ou sont ensevelis dans le sable pour être dissimulés. » Les vacanciers sont une manne pour toute une frange de la population d'El Kala qui met à profit cette saison pour gagner un peu d'argent avec des activités dans le commerce, la restauration et l'hébergement. Ici, les commerces fleurissent dès le mois de mai, y compris ces gargotes à deux sous qui pratiquent des prix de 5 étoiles. « Tout est loué aussi », nous dit-on en parlant des logements dans les cités populaires et des lotissements d'autoconstruction, encore en chantier. Partout, l'hygiène laisse à désirer. Du monde, il y en a pendant la journée sur les plages. Des centaines de baigneurs viennent de toute la région et des wilayas limitrophes pour la journée, car malgré le spectacle repoussant et affligeant de toutes ces ordures qui longent les routes et jonchent les lieux publics, les plages, trop étroites certes, et les paysages restent d'une incomparable beauté et attirent la foule. Il y a eu 1 250 000 estivants en 2006 à El Tarf et il y en aura autant cette année, même si leur nombre a visiblement baissé. Plages bondées En effet, les services de la Protection civile, qui nous ont fourni ce chiffre, calculent le nombre d'estivants sur la base de 2 baigneurs par mètre carré de plage ou par le nombre de véhicules stationnés. Comme les plages n'ont pas beaucoup perdu de leur surface depuis l'année dernière à l'exception de celle d'El Mordjane à El Kala qui s'érode et amaigrie avec la construction du nouveau port, il est peu probable qu'on puisse apprécier la timide fréquentation de cette année qui, en fait, n'est que le revers d'une politique laxiste des pouvoirs et des autorités locales. « Depuis le temps qu'on parle de la saleté qui singularise El Kala, rien n'a été fait. C'est à croire qu'ils le font exprès », répète-t-on. Et ce n'est pas non plus parce qu'il y a du monde que la circulation est toujours dense malgré les renforts de police sur la voie publique, mais à cause d'un plan de circulation où les sens interdits l'emportent dans la règle du oui et non. Et à propos des services de sécurité, s'ils sont présents en force au centre-ville, cela n'empêche pas les rixes, les agressions et le tapage nocturne. El Kala perd d'année en année de sa vocation de destination finale pour des vacanciers qui venaient en famille à la recherche de tranquillité et d'un séjour abordable à tous points de vue. Cette catégorie se réduit au profit des groupes à budget modeste et moins regardant sur le civisme. A trop vouloir tirer sur la corde, les commerçants ont fini par faire fuir leurs habitués qui ont découvert que pour le même budget, ils pouvaient s'offrir mieux : quelques kilomètres plus loin en Tunisie, où on est à peu près certain d'atteindre le million de touristes algériens cette année. Ils étaient 800 000 en 2006. D'ailleurs, il n'est un secret pour personne que des résidants d'El Kala se payaient des vacances de rêve en Tunisie avec le même argent qu'ils ont engrangé en louant leur logement à El Kala. On peut encore citer ces estivants qui, pour fuir la saleté, la cohue et le bruit, ont trouvé l'astuce de louer dans les habitations individuelles des zones rurales. Une formule qui leur plaît beaucoup, et dont ils ne disent que du bien. Il faut savoir cependant, conseillent-ils, renouer avec la vie simple de la campagne. C'est particulièrement le cas des vacanciers des classes moyennes qui allient l'utile, le désir de se ressourcer et celui de faire découvrir à leurs enfants les richesses du parc national et tout un pan de notre culture. Vient le soir, la saleté est moins apparente, faute d'éclairage public. Ce qui n'empêche pas les longues promenades sur le cours, entre le Moulin et la Pointe du Chacal et le long de la plage Mordjane. Ce n'est pas non plus la foule d'autrefois, mais c'est le moment le plus apprécié des familles qui se retrouvent dans la convivialité pour papoter au gré de la brise. Et de quoi parle-t-on ? De la saleté encore et toujours. Cette calamité qui pourrit les vacances. Mais que font-ils donc à la baladia ? Hygiène : pas de sanitaires La réponse est connue, et c'est la même que celle de toutes les années depuis un quart de siècle : pas de moyens, pas de budget et pas de personnel. Pourtant, on a vu que pour le Président, pour un ministre, un chef de parti ou d'autres visiteurs de marque, des sommes colossales sont dépensées pour rendre à la ville un peu de dignité. Bien entendu, ceux qui viennent dépenser leur argent et donner quelques jours de travail aux autochtones ne méritent pas autant d'égards. Ils ne sont d'aucune utilité pour la carrière des responsables et des élus. « El Kala est une ville touristique ! » Faux et archifaux ! La région a certainement des atouts touristiques, mais elle n'a rien à voir avec le tourisme proprement dit qui suppose, en plus du pôle attractif, en l'occurrence le parc national, des infrastructures touristiques dignes de ce nom. Hôtels et pas dortoirs, restaurants et pas gargotes, voies de communications et transports, télécommunications et services en tous genres, dont l'information et l'orientation… A El Kala, il n'y a pas de toilettes publiques dignes de ce nom.