Le Festival de Berlin, en février, tiendra-t-il ses promesses ? A priori, la manifestation propose un panorama mondial de la production cinématographique comme tous les ans, avec la particularité d'avoir plusieurs sections et un forum international qui accueille cette année la riche et trépidante production de Bollywood. Mais Berlin ajoute cette année à sa singulière dimension d'ouverture sur les écrans de la planète la programmation, à l'occasion de la commémoration des 25 ans de la disparition de Rainer Werner Fassbinder, de son œuvre magistrale, point culminant de toute sa carrière : Berlin Alexanderplatz, un film monumental qui dure 15 heures et demie. On pénétrera dans la salle Admiralpalast le 9 février à 10h pour ressortir à 3h le lendemain, en pleine nuit. Quelques arrêts entre les bobines sont prévus... Oeuvre originale, à la noirceur dominante, d'une esthétique radicale, sommet du cinéma d'avant-garde, Berlin Alexanderplatz a été controversée à sa sortie en 1980. Le film est adapté du roman d'Alfred Döblin (1929). Hanna Shygulla,Barbara Sukova, Günter Lamprecht et des dizaines d'autres acteurs se partagent le casting dans cette fresque troublante que Fassbinder a fait initialement pour la télévision allemande en 13 épisodes. Dans diverses occasions, le film a été montré par fragments, la vision intégrale faite par Juliane Lorenz, responsable de la RWF fondation et l'aide du bureau fédéral de la culture, de plusieurs organismes culturels de Berlin et Munich, ville natale de Fassbinder. Rainer Warner Fassbinder a fait de grands films avant de disparaître très jeune. La Cinémathèque d'Alger a montré, à l'époque de la gloire, Le mariage de Marie Braun, l'Allemagne en automne, Lola, Lili Marleen, le Marchand des quatre saisons... qui ont tous soulevé l'enthousiasme du public algérien cinéphile qui aime par dessus tout les cinéastes qui ont un côté rebelle, en marge de la société, les artistes intraitables comme Fassbinder. Avant de se voir coller l'étiquette de chef-d'œuvre dans son propre pays, Berlin Alexanderplatz a causé quelques remous. ll s'agit d'un sujet très fort. Une histoire tragique qui se passe à Berlin dans les années 1920 très troublées. La vie alors était très dure. Affrontements, violences, crimes caractérisaient la République de Weimar, avec ses milliers de chômeurs, une grande masse de pauvres totalement exclus. C'est la toile de fond du roman d'Alfred Döblin que Fassbinder a eu l'ambition de filmer. Canevas du film en plusieurs épisodes tourmentés : un homme nommé Franz Bikerkopf sort de prison où il a passé quatre ans à la suite du meurtre de sa maîtresse. Il veut refaire sa vie. Il retombe dans l'enfer du crime. Tourné en studio dans des décors glauques sans lumière pour créer un climat de peur et de désespoir, Berlin Alexanderplatz suit l'ascension de la chute du personnage. Celui qui voulait faire l'ange redevient exterminateur. Fassbinder qui aimait beaucoup Janis Joplin a mis sa chanson dans le film Nothing left to Lose, plus rien à perdre, il n'y a plus d'espoir. A l'époque où l'irréductible et insaisissable Fassbinder tournait ses films, il était la figure centrale du cinéma allemand, c'était lui qui occupait essentiellement le devant de la scène cinématographique. On respirait partout un grand air de cinéma, avec aussi Herzog, Wenders, Schlondorf, Shroeter, Helma Sanders... Aujourd'hui, le cinéma allemand paraît affadi. Il y a comme un reflux. En attendant de voir peut-être à Berlin un nouveau flux...