La censure qui frappait, en Tunisie, la pièce de théâtre Khamsoun - Corps otages de l'auteur Jalila Baccar depuis octobre 2006 vient d'être levée, selon la maison de production de la pièce, Familia Production. Mise en scène par Fadhel Jaïbi - un grand nom de l'art théâtral arabophone - et chorégraphiée par Nawel Skandrani, la pièce devra être enfin jouée au Théâtre de la ville de Tunis durant les mois de février, avril et mai prochains, en plus d'une tournée qui la mènera à Sousse, Kaïraouan, Médenine et Jerba entre mars et avril 2007. Du 12 au 20 mars Khamsoun-Corps otages sera donnée en représentations à Tokyo. En octobre 2006, la commission d'orientation du ministère de la Culture tunisien avait décidé de censurer cette pièce, en refusant de délivrer le visa. La commission a exigé que le metteur en scène accepte de se conformer à une liste de 100 sujets de censure à appliquer à la pièce s'il désire avoir le visa, d'après un communiqué de l'Observatoire pour la liberté de presse, d'édition et de création en Tunisie (OLPEC). La pièce qui traite du thème des conflits que traverse la société tunisienne après cinquante ans d'indépendance (extrémisme religieux, terrorisme, conflits de générations, dérive politique sécuritaire…) n'a pas plu aux autorités, selon l'OLPEC. Celles-ci ont exigé d'éliminer toutes les dates, tous les noms des personnages et des lieux, d'évacuer tous les textes coraniques et d'effacer toute référence à l'histoire du pays. En clair, une « mutilation du spectacle », comme le souligne Jalila Baccar, auteur du texte et comédienne principale de la pièce dans une interview au site Kalimatunisie.com. Trame de la pièce : De retour de France, où elle est passée d'un marxisme pur vers un islamisme dur, la fille d'un couple de militants de gauche se trouve impliquée dans le suicide mystérieux d'une jeune amie enseignante qui a décidé un vendredi 11 novembre 2005 de se faire exploser dans la cour de son lycée. L'acte, s'il plonge le pays dans le désarroi et met en branle le redoutable dispositif antiterroriste, place face à face un régime politique autoritaire, une société civile et des démocrates plus laminés que jamais, des islamistes clandestins aux funestes desseins et des citoyens dociles ou indifférents. Dans le pays de Ben Ali, le théâtre est soumis à une censure préalable réglementée par un texte légal. Un visa de représentation publique est requis pour toute production. Il est délivré par la commission nationale d'orientation relevant du ministère de la Culture et où siègent des représentants des ministères de l'Intérieur, des Affaires religieuses et de la Culture. La commission exerce deux niveaux de censure, l'une directe et consiste à refuser de délivrer le visa de représentation. La seconde, à travers une situation de quasi monopole du réseau de distribution. Cette dernière censure, rappelle l'OPLEC, « plus vicieuse, est une forme de condamnation de l'œuvre à ne pas être représentée, étant donné que l'Etat est le principal propriétaire des espaces culturels et par conséquent le principal acheteur de ces productions ». La pièce a été la première œuvre théâtrale présentée en arabe dans l'histoire du Théâtre de l'Odéon à Paris en juin 2006.