Submergée depuis 1962 de discours langue de bois porteurs de propagandes, l'ENTV gouvernementale d'aujourd'hui se met à la langue agglo. Vous savez, ce matériau ni bois de chêne, mâtinant les interminables et durs discours affectionnés par le colonel Boumédiène obligeant ses concitoyens à l'écouter en stade, quelque soit le plomb du soleil -, ni a fortiori d'olivier des ancêtres ; mais tout simplement et bêtement ce succédané d'une résistance blindée à toute épreuve : l'aggloméré qui sert à fabriquer portes et fenêtres des logis du pays. Toujours histoire de les fermer ; parce que c'est à ça que sert toujours la langue agglo : masquer / camoufler le sens, en autre moyen de pouvoir de domination. La pâte de cette langue, moulinée dans un flot torrentiel de pub dédiée au divertissement, n'arrête pas de faire des pas gigantesques sur l'écran national aussi. Cette nouvelle et spécifique à l'Algérie « novlangue », imaginée par Orwell dans son fameux 1984, est déclinée en arabe/français/tamazight. Au point que quand on regarde l'ENTV, avec son moteur et ses flots de marchandisation de la vie symbolique - y compris du domaine religieux - on se dit, bon Dieu, comment et en quoi une télé de droit privé algérien pourrait - elle en être significativement différente. Sans forcément en être vraiment conscients, les décideurs du système ENTV ont préparé plein de fosses d'incinération aux télés privées de demain. Tout comme d'abord à la toujours rêvée télévision de service public national revendiqué. Cette nouvelle langue a fait parler cette semaine deux acteurs impliqués dans le système ENTV, chacun à sa façon. D'abord, à tout seigneur tout honneur, la ministre de la Culture Toumi. Invitée d'un « forum télévisé », l'ancienne ministre aussi de la communication a fabriqué son écuelle en bois agglo du fait qu'elle a été objectivement interdite – comme à présent d'ailleurs pour le portefeuille de « tutelle » – d'avoir quelque autorité sur le système ENTV. Du coup, elle a succombé à la tentation, trop facile, mais avec si peu de culture, de tomber sur les démons de la presse privée, pour servir pleines louchées d'invectives aux malheureux journalistes présents. Mais plus grave, d'irresponsabilité de haut commis de l'Etat aux citoyens. Et puis il y a l'inénarrable boss public de l'ENTV qui a tout bonnement claironné lui, en séminaire international algérois, le contraire de ce que son supposé ministre de tutelle a dit une semaine avant : « Je suis de ceux qui appellent à l'ouverture du champ audiovisuel au privé ».