On connaissait l'esquimau inuit et les congélateurs ENIE. La viande, le poisson et les frites surgelées. Mais maintenant que le bourek surgelé vient de faire son apparition, créant déjà d'étranges sentiments dans l'intestin national, que va-t-il se passer ? Si ailleurs le surgelé est largement installé, il aura un peu plus de mal ici, tout comme le soja ou le préservatif mais peut-être pas du tout, comme la parabole et le string. Même si les Algériens, amoureux de la cuisine maternelle, sont déjà passés au panini, ils gardent cependant un conservatisme culinaire qui effraye les industriels de l'agroalimentaire. On peut se rappeler que la cocotte minute avait eu du mal à s'installer, les islamistes s'étant opposés à ce sifflement qui « appelle le diable » et au lendemain de la victoire du FIS, ils avaient même demandé de se préparer à « changer d'habitudes alimentaires ». Quelles sont ces habitudes ? Entre le casher, le couscous, le poivron, les incontournables merguez et le djouaz bien saucé, y a-t-il de la place pour autre chose dans les estomacs ? Oui pour les frites, françaises, ou les spaghettis, italiens. Mais si on voit tous les jours des dinosaures surgelés, à l'image de ces vieux dirigeants qui gouvernent de leurs chambres froides blindées un pays frais et jeune, le bourek surgelé va poser un problème, non soluble dans un référendum. Quelle est cette saveur que cherche encore l'Algérien dans son assiette ? Comme le notait un membre de la nombreuse diaspora, l'Algérie a un goût indéfinissable ; on ne sait si elle est sucrée ou salée, aigre ou douce. Mais cette saveur laisse un impérissable souvenir à toutes les papilles qui l'ont approchée, du pied-noir nostalgique à l'émigré aliéné. Ce qui explique que les Algériens soient si malheureux en Algérie mais encore plus quand ils sont à l'étranger. Une sombre histoire de goût.