Beaucoup d'écoliers connaissent M'sid Fatah, un établissement scolaire qui eut son heure de gloire. Cette école porte le nom d'un éminent éducateur. Elle en pérennise le souvenir et arrache à l'oubli une vie pleine d'abnégation et d'opiniâtreté, consacrée exclusivement à l'éducation et à la connaissance. Fatah Benbraham, puisqu'il s'agit de lui, a joué un rôle important dans l'éclosion des élites algéroises. Et ce n'est pas une mince affaire. C'est aussi un pionnier. Il a su marier deux cultures supposées antagoniques. Mais avant cela, Fatah Benbraham a été élève de la célèbre institution de Bouzaréah. Admis en 1866, il fit partie de la première promotion d'instituteurs. L'événement est à marquer d'une pierre blanche, car il est motivé par une respectable aspiration. Pour Fatah Benbraham, l'ambition cardinale n'était pas de briguer une promotion sociale somme toute légitime. Il s'agissait plutôt d'éduquer, de former. Et ce n'était pas une besogne de tout repos. Il côtoya les gosses de La Casbah et leur a consacré des efforts et du temps. En dépit des difficultés, des contraintes. Pour ce lauréat de l'école de Bouzaréah, le sacerdoce fut éprouvant mais exaltant. Des écrits de l'époque rendent compte de la difficulté d'exercer. N'empêche, les blocages furent contournés et aplanis. « A cœur vaillant rien d'impossible ». Pour éduquer, Fatah Benbraham aimait répéter une maxime fort instructive. « Rechercher la science du berceau jusqu'à la tombe. » Honorable aiguillon, repère admirable qui revigore la volonté et la nourrit. Rappelons qu'il officia à Sour El Ghozlane avant de s'installer à Alger. Il dirigea la célèbre école Sarraruy (actuellement école des frères Zoubir), située à la rue Médée. Cet établissement ne fut pas en reste. Tant sa notoriété mérite d'être relatée. Le pédagogue fit preuve d'innovation en introduisant dans le cycle scolaire l'éducation musicale. Il contribua également au développement de la langue arabe. En pleine époque coloniale, cet éducateur a su supplanter une situation extrêmement délicate, dramatique, faite de rejet, d'exclusion, d'incompréhension pour établir des liens entre deux cultures. C'est peut-être un exemple à méditer. Est-ce excessif de dire que cet éducateur persévérant a ramené sa pierre en favorisant la régénération de la cité d'Alger ?