C'est en compagnie de Mme Mahammed que nous avons quitté Aïn Sefra pour finalement atteindre le lieu-dit Rouis Edjir, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest, entre Sfissifa et la petite localité de Oulakak. Au milieu de nulle part, nous avons débuté par une visite guidée par la scientifique, dont l'amabilité est proverbiale et qui, quelques heures auparavant, nous avait reçus à Aïn Sefra par un accueil enthousiaste. Une éminente paléontologue, chef d'une équipe d'une demi-douzaine de chercheurs du CRD Sonatrach de Boumerdes et de l'université d'Oran. Notre objectif consistait à découvrir le site où les ossements d'un dinosaure ont été mis à jour par son équipe et pour obtenir de plus amples informations sur cette découverte. Un travail méthodique a été effectué par ces chercheurs dans l'isolement le plus total. Par un langage clair et synthétique, Mme Mahammed a annoncé que, par le programme de fouilles du musée de géologie et des hydrocarbures de l'entreprise Sonatrach, des ossements ont été découverts en 1999, qui se sont avérés appartenir à un dinosaure. Après une extraction de 51 ossements d'un même animal, l'annonce officielle de cette découverte a été proclamée le 17 octobre 2000 sous le nom du « Géant des Ksour ». extraction de 51 ossements Dès lors, cette découverte inattendue a ouvert la voie à d'importants travaux de recherches dans la zone de Rouis Edjir où une page sur le Jurassique s'est enfin ouverte. « Près de cinq années de recherches et d'inlassables fouilles nous ont permis de découvrir beaucoup d'autres éléments sur le site n°1, qui, sans doute, pourraient contribuer à redessiner les contours de cet animal de façon plus exacte. Cela nous a permis aussi de relever que ce Sauropode est un bébé dinosaure, herbivore, qui mesure entre 8 et 10 mètres, et ce, compte tenu, ajoute-t-elle, des os de son crâne non encore « soudés » et de l'ouverture de plusieurs de ses vertèbres et chevrons qui, en principe, sont fermés chez un adulte. Un animal dont nous ignorons jusqu'à présent le sexe. », a déclaré la scientifique. En arrivant sur les lieux, nous avons aperçu un musée ayant la forme dorsale d'un dinosaure. Une petite structure en voie de finition édifiée tout près du site n°1. Là où ce bébé dinosaure a été claquemuré dans une gangue de marne très solidifiée, située, par la décomposition du milieu, à plus de deux mètres de profondeur sur le flanc d'une colline usée par le temps. Mme Mahammed précise que l'éventualité la plus probable est que, « il y a 175 millions d'années, ce petit Sauropode herbivore a été mortellement agressé par un dinosaure carnassier dont nous avons retrouvé cinq dents et des marques de crocs plantés dans le cou de sa proie. Ces carnassiers avaient la faculté biologique de se faire repousser les dents, alors que les dinosaures herbivores avaient des dents larges et très plates qui ne leur servaient pas pour brouter. Le broyage des aliments s'effectuait par de petites pierres destinées à cet effet, qui étaient présentes dans l'estomac de ces spécimens. », explique la paléontologue. Avec une passion dévorante, Mme Mahammed nous projette dans une haute sphère du passé et nous décrit ce fabuleux paysage jurassique formé de mers, de forêts, de fleuves, de deltas et d'animaux de toutes sortes, dont les vestiges sont certainement sur ce lieu. Nous avons recensé jusqu'à présent près d'une soixantaine de sites entre le Jurassique moyen de Rouis Edjir et le Crétacé tout proche à Djebel El Arouia. » Néanmoins, ces découvertes qui ont pris un relief considérable vont assurément constituer l'image identitaire de la région de Sfissifa, comme un véritable Jurassique Park, mais aussi un point économique non négligeable pour la wilaya. A l'issue de cet entretien sur ce fabuleux site, la scientifique révèle que ce dinosaure sera baptisé probablement le mois de mars 2005 et sera reconstitué à l'identique par une version restaurée artificiellement. Devenue subitement triste, elle ajoute avec regret : « La tragique disparition de notre amie et consœur Leïla Mami, morte avec toute sa famille lors du tremblement de terre du 21 mai à Boumerdes, a émoussé notre joie. Une femme qui avait tant œuvré par ses recherches et ses fouilles sur ce fameux site n°1. Elle a cependant laissé à la postérité les traces d'une autre vie, celle des dinosaures », dira pour conclure Mme Mahammed.