Le procès de la presse est devenu un thème récurrent chez les hauts responsables de l'Etat ainsi que chez les personnalités désignées à des postes clés au sein des différentes institutions. Au dernier jour du séminaire sur les relations entre la presse et le Parlement, organisé conjointement par la conférence nationale des législations d'Etat (organisme américain) et l'Institut de formation et d'études législatives (IFEL) de l'APN, une confrontation d'interprétation de la notion d'éthique a opposé élus nationaux et journalistes. Mme Zahia Benarous, membre du Conseil de la nation et ex-journaliste, a accusé les représentants de la presse algérienne de manque de professionnalisme. Les journalistes, selon elle, n'ont pas le sens de l'éthique. Avant de dresser un tableau peu reluisant du rôle qu'a joué la presse ces dernières années, Mme Benarous a expliqué qu'à l'époque du parti unique, il y avait une presse qui était, certes, aux côtés du gouvernement, mais qui était nationale et professionnelle. Toutefois, la sénatrice a constaté que depuis les années 1990, il y a eu des dérapages notamment au niveau de la presse écrite. « La presse fait dans la diffamation, elle porte souvent atteinte à la vie privée des citoyens, nous avons enregistré des dépassements graves même à l'égard de hauts responsables de l'Etat », dira Mme Benarous qui, plus loin, justifie cette négation par le fait qu'aucun individu n'était préparé à la nouvelle situation qui était le multipartisme. Dans ce contexte, elle fera remarquer qu' « il y a un vide que nous devons combler et un retard qu'il faut rattraper », a-t-elle affirmé avant d'appeler la presse et le Parlement à établir de nouvelles relations fondées sur la coopération et la complémentarité. Omar Belhouchet, directeur du quotidien El Watan, qui devait intervenir sur le même thème « Dilemmes éthiques » a alors riposté en rappelant à la sénatrice que le Parlement a cautionné une loi portant sur la diffamation. Un texte de loi qui va en contresens des textes de la charte des Nation unies. « Nous sommes, avec la Corée du Nord et Cuba, le seul pays à être sous la coupe d'un code pénal aussi répressif. Un code pénal adopté et cautionné par les deux chambres du Parlement sans débat, ni discussions au préalable. Où est donc le sens de l'éthique chez les députés et les sénateurs algériens ? Je n'hésite pas à dire que vous n'êtes que des chambres d'enregistrement », lancera M. Belhouchet. « Il est regrettable de constater que ce sont les Américains qui prennent de telles initiatives... », dira-t-il amèrement. Evoquant le travail des journalistes durant la période cruciale qu'a vécue notre pays, M. Belhouchet rappellera que la presse a évolué dans un contexte difficile et particulier qui s'est rapidement détérioré. Mettant en exergue la pression qu'a connue le journaliste algérien durant la tragédie nationale, juste après l'adoption du pluralisme médiatique, M. Belhouchet a estimé que ces conditions avaient quelque peu retardé le débat sur l'éthique et la déontologie. « Etait-il possible de parler d'éthique au moment où des dizaines de journalistes se faisaient assassiner par des terroristes et au moment où les autorités nous interdisaient de publier des informations sécuritaires ? Sans omettre le nombre de journalistes emprisonnés et les journaux suspendus. L'éthique à l'époque c'était de témoigner de ce temps. C'était d'être témoin de cette décennie noire. C'était pour nous un journalisme de combat », expliquera le directeur d'El Watan. M. Belhouchet reconnaît qu'il y a parfois des dérapages, mais il incombera la responsabilité au manque de communication de la part des concernés. « C'est un problème d'accès à l'information dont souffrent inexorablement les médias. Ce qui ne permet pas au journaliste de publier un article inattaquable », dira-t-il. Dans ce sillage, il fera remarquer qu'il est nécessaire de s'assurer de la véracité et de l'exactitude de l'information avant sa diffusion en vue de préserver la crédibilité du journal et du journaliste vis-à-vis aussi bien de son lectorat que de sa source d'information. Dans la foulée, M. Belhouchet rafraîchira la mémoire de la sénatrice en lui rappelant qu'en avril 2001 près de 300 journalistes algériens s'étaient réunis pour mettre au point une charte d'éthique et de déontologie conforme aux critères internationaux, en estimant que la situation actuelle marquée par la concurrence commerciale entre les différents titres de la presse facilite le respect de cette déontologie. Par ailleurs, M. Rauschenberger, sénateur de l'Etat de l'Illinois a, en évoquant la source d'information, souligné que le parlementaire doit s'assurer de la véracité et de l'exactitude de ses informations avant de préciser que le parlementaire doit connaître la personnalité et les qualités professionnelles du journaliste à qui il confie l'information ainsi que sa disposition à la transmettre avec précision et objectivité. Pour sa part, Tim Hoover, journaliste au quotidien Kansas City Star, a évoqué le dilemme auquel est souvent confronté le journaliste qui doit faire preuve de célérité dans la transmission de l'information tout en veillant à la précision qui pourrait nécessiter beaucoup de temps. Il a affirmé, dans ce sens, que la précision est primordiale même si le journaliste doit retarder son article. Notons que dans l'après-midi d'hier, il a été procédé à la clôture de cet atelier de formation par l'intervention du directeur de l'ENTV, Hamraoui Habib Chawki, et du directeur de l'Agence presse service (APS) Nacer Mahel.