De la coquette et accueillante Stidia des années 70, il ne reste plus rien. La cité qui sera pendant longtemps un havre de paix pour des universitaires, des intellectuels, des médecins et des artistes n'est plus que l'ombre d'elle-même. Ayant été agrandie sans raison, ni intelligence, elle subira les avatars d'un développement anarchique et irréfléchi. Ses nombreuses caves datant de l'époque coloniale, ses villas pittoresques qui rappellent l'Alsace Lorraine de ses lointains fondateurs, finiront par disparaître sous les coups de boutoirs des cités dortoir érigées tout juste pour décongestionner Mostaganem et les campagnes environnantes. Depuis la construction de la double voie qui la contourne, son activité quotidienne ira en diminuant. Les commerces jadis florissant laisseront place à des boutiques où règne la désinvolture et la déliquescence. Sa rue principale, qui fut un modèle pour toute la région, n'est plus qu'une succession de nids de poule et de dos d'âne inconvenants. Sa plage qui attirait des grappes de vacanciers finira par perdre son sable et son charme. Seuls une vingtaine de pêcheurs continuent à s'abriter dans un vivier naturel, à l'abris des vents dominants. Même la pêche qui fut parfois miraculeuses ne nourrit plus son homme. Pour ces parias de la grande bleue, c'est une lutte quotidienne contre la nature qui se venge avec acharnement sur l'homme prédateur. Les techniques de pêche, la nature et la taille des filets auront vite fait d'épuiser les rares stocks de poissons benthiques. Pour survivre, ces damnés sont obligés d'aller toujours plus loin et toujours plus en profondeur, mettant à mal leurs frêles embarcations et leurs coûteux filets. Sur les hauteurs, une nouvelle ville aura ostensiblement pris forme. Bâtie sans plan d'urbanisme et sans viabilisation, elle fera de la peine à l'Union Européenne qui finira par débloquer une enveloppe pour faire parvenir un peu d'urbanité sur ce plateau de la désolation. Désolation ! Balayé par les vents du Nord, ce quartier n'avait que son isolement pour se singulariser. Grâce à ce prêt de 3,4 milliards de dinars, il sortira rapidement de son sous développement pour accéder à une relative modernité. Toutes les ruelles recevront un bitume qui les rendra plus avenantes que jamais. Dans la foulée, profitant du branchement au gaz, le quartier qui se trouvait sur le tracé ne pouvait objectivement être ignoré. Ce seront plus de 2 000 familles de Stidia village qui en profiteront également. Cela représente plus de 50% de la population de la commune. Toutefois, le branchement au gaz aura coûté à la commune près de 10 milliards de Cts. Ce coût excessif aurait été moindre si le tracé avait été plus judicieusement dessiné. Car, un branchement à partir de Fornaka aurait permis d'économiser quelques précieuses encablures, dont la contrepartie financière aurait servi à amoindrir les blessures béantes qui jonchent l'ensemble des quartiers. Même la trémie qui devrait ouvrir quelques perspectives attrayantes à l'agglomération, n'aura pas l'impact attendu. La première raison est liée au fait que la route qui dessert cet ouvrage et qui relie la plage n'aura pas été goudronnée. Les travaux qui devaient prendre fin en octobre 2002, se seront prolongés indéfiniment entraînant des surcoûts prohibitifs et des désagréments qui sont loin de s'estomper. Car, sans une remise en état de la route, il serait illusoire de voir des automobilistes faire le moindre détour pour s'approvisionner au village. C'est tout de même un cas rare où une agglomération se laisse appauvrir par le progrès. D'autant qu'à la faveur d'un découpage moins hasardeux qu'il n'en à l'air, l'ancienne commune se laissera amputer de l'agglomération de Fornaka qui est traversée de part en part par des pipe-lines. Une manne financière inestimable dont Stidia devra faire à jamais son deuil. Car les revenus actuels ne couvrent que 6% du budget annuel de la municipalité. D'où l'extrême désolation de la commune, de ses habitants et de son frêle maire qui n'en peut plus de recoller les morceaux épars d'une cité jadis florissante. Le salut viendra-t-il de la mer où un projet de port de pêche, régulièrement annoncé, est sans cesse différé ? Situé sur le tracé du méridien de Greenwich, sa concrétisation devrait réconcilier la cité avec son histoire. Et son temps !