sa législation appliquée depuis des années au harcèlement sexuel est timide et déficiente. Elle est loin d'en couvrir toutes les modalités ou d'instituer une sanction à la mesure de la violence perverse qui sous-tend ce type d'agression. Des centaines de victimes portent encore le fardeau d'une souffrance indescriptible. Les défenseurs des droits de l'homme et les femmes travailleuses n'ont pas cessé de dénoncer cette violence à l'égard des femmes, particulièrement dans le milieu du travail. Enfin, l'amendement apporté au code pénal et adopté la semaine dernière par l'APN incrimine le harcèlement sexuel. L'article 341 du code pénal prévoit un emprisonnement de deux mois à une année et une amende allant de 50 000 DA à 100 000 DA et la peine est doublée en cas de récidive. Une sanction qui reste encore insuffisante, selon les hommes de loi. La commission des femmes travailleuses affiliée à l'UGTA, qui a interpellé le ministre de la Justice le 17 mars 2003 pour demander une législation adaptée, se félicite de ces changements en faveur des victimes de harcèlement. Elles ont osé brisé le tabou et ouvert une tribune d'expression à toutes ces femmes avec la création du centre d'écoute et d'aide aux victimes de harcèlement sexuel (CEA) en décembre 2003. Le centre d'écoute assure l'écoute et offre souvent un soulagement pour certaines femmes en détresse. « Notre initiative a pour objectif d'aider ces femmes victimes de harcèlement sexuel à se dévictimiser et chacune d'elles a besoin d'être écoutée et aidée à la prise de décision sachant que le harcèlement sexuel est loin d'être la préoccupation des syndicats », a déclaré Soumia Salhi, présidente de la commission des femmes travailleuses. Une année après la mise en place de la ligne téléphonique, la Commission a établi un bilan récapitulatif. Selon la présidente de la commission des femmes travailleuses, sur 500 appels reçus et provenant de toutes les régions du pays, 135 sont des appels de victimes qui ont bénéficié de l'écoute attentive de leurs problèmes et ont reçu une aide et une orientation pour une résolution personnalisée. Le reste des appels était des messages de soutien, des demandes d'orientation, des demandes d'information sur le type d'aide, les capacités d'intervention du CEA, etc. « C'est sans conteste le passage des animatrices du centre d'écoute sur les ondes radiophoniques avec les témoignages à l'appui et la couverture médiatique des séminaires régionaux sur le harcèlement sexuel qui ont suscité et libéré la parole des victimes du harcèlement dans une société où le dire des femmes n' a pas droit de cité. A l'ouverture de la ligne téléphonique, le 29 décembre 2003, nous avons connu un rush d'appels sans précédent, nous avons noté 10 cas de harcèlement sexuel sur une totalité de 46 appels pendant les trois derniers jours de l'année 2003 », a souligné la présidente de la commission. Le bilan a révélé que sur les 135 cas de harcèlement sexuel les plus touchées sont les femmes célibataires (72) suivies des divorcées au nombre de 13, de 4 en instance de divorce et de 2 veuves. Les femmes mariées sont également touchées par cette agression et sont au nombre de 30. Elles sont des femmes travailleuses, dont 34 employées, 40 secrétaires, 9 ouvrières et 31 cadres supérieurs. Le phénomène est enregistré dans les différents secteurs d'activité que ce soit dans le public ou le privé. Le secteur public se taille une part importante d'appels avec 104 cas contre 23 émanant du secteur privé. La présidente de la commission précise que ce chiffre ne signifie pas que les femmes travailleuses sont moins sujettes au harcèlement dans le privé. Elle estime que les conditions draconiennes de travail et la facilité de la rupture du contrat dans le secteur privé seraient le mobile de l'absence de plaintes des ouvrières et employées d'autant plus que la représentation syndicale est inexistante. Quant au harceleur, il est identifié dans tous les cas comme le responsable direct et supérieur hiérarchique. Cela conforte la thèse de l'abus de pouvoir et de l'utilisation de l'autorité pour asservir l'élément féminin et transgresser toutes les règles de fonctionnement de la relation de travail. Le harcèlement sexuel de la part de collègues s'inscrit dans une démarche pathologique de la relation amoureuse où le harceleur n'accepte pas d'être éconduit, refusé par la femme collègue. Le centre d'écoute a ainsi permis à toutes ces femmes de dénoncer ces abus d'autorité et d'entreprendre des actions contre leurs harceleurs. La présidente de la commission explique cet acte d'agression : « Quand la pauvreté frappe la plupart des foyers et que le petit salaire est encore plus indispensable qu'avant, quand le chômage et les compressions d'effectifs rendent difficile le changement d'emploi. Alors la travailleuse en contrat temporaire, la travailleuse non déclarée est affaiblie devant les menaces, impuissante devant l'arbitraire, fragilisée devant les chantages possibles. » Elle appelle ainsi les syndicalistes à ne pas rester neutres face à cette agression.