La présidente appelle Naouche Boualem, ancien directeur des affaires juridiques et du contentieux d'El Khalifa Bank. Poursuivi pour non-dénonciation, Naouche a rejoint la banque en juin 2002, en tant que chef de département du recouvrement et des créances. Il a été chargé, en 2003, par l'administrateur Djellab de plusieurs tâches, dont celle de procéder à la saisie des avions de Khalifa Airways au profit de la banque et de désigner un séquestre de Khalifa Airways. « Le 22 mars 2003, j'ai été mandaté pour déposer plainte contre Akli Youcef, le caissier principal, et Chebli, le caissier de Chéraga. Le 25 mai 2003, je n'avais pas été mandaté pour déposer plainte contre les autres directeurs d'agence d'El Harrach et des Abattoirs. La procuration a été signée le 25 mai, mais elle m'a été adressée le 28 au soir. Le lendemain, le 29 mai, c'était un jeudi. J'ai été au tribunal de Chéraga où je n'ai pas trouvé le juge qui s'est occupé de la première affaire. Cela a coïncidé avec le retrait d'agrément de la banque, je pensais que celle-ci n'existait plus et donc même l'administrateur n'était plus habilité à déposer plainte. Je suis parti en congé, en remettant le dossier à celui qui a été désigné par le liquidateur après. Ce n'est qu'en 2004 que j'ai appris que les plaintes n'ont pas été déposées. Je me suis présenté au tribunal de Chéraga et j'ai parlé au magistrat. » La magistrate lui fait remarquer qu'il n'a pas expliqué pourquoi il n'a pas saisi les services de la Gendarmerie nationale ou de la police. Elle lui demande un accusé de réception de la lettre qui le mandate à déposer plainte et à l'accusé de déclarer ne pas l'avoir. A la fin, l'accusé, après une longue déclaration sur sa mission avec Djellab et le liquidateur, notamment dans l'affaire de la saisie des 2 millions d'euros à l'aéroport, qu'il a lui-même aidé la justice, révèle que Abdelmoumen Khalifa l'a appelé un jour pour lui demander de signer la mainlevée d'un crédit octroyé à Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre, il lui a demandé un justificatif et il lui a transmis par fax une lettre écrite de sa main, faisant état du paiement du montant. « Je lui ai dit que le document ne constituait pas un justificatif et j'ai refusé de signer. Mais après, celui qui m'a remplacé l'a fait », conclut-il. La dernière accusée est Majda Laâgoune, poursuivie pour abus de confiance. Elle n'avait pas restitué deux véhicules qu'elle a loués auprès de KRC, jusqu'à ce que les gendarmes la convoquent. Elle déclare n'avoir pas été mise au courant, puisqu'elle a continué à payer la location. La juge lui demande d'expliquer la question du chèque sans provision. « C'était provisoire. Mais mon compte a été alimenté. Ils m'ont étonné en m'informant que j'avais 300 000 DA d'impayés, alors que les factures étaient honorées », affirme-t-elle. 5 millions de dinars de Mme Hamiani et la fille à Temmar La présidente appelle Mme Ouahiba Hamiani, la sœur de l'ancien ministre de la PME/PMI, la dernière à avoir été entendue en tant que témoin. Elle travaillait dans la société d'assurance 2A, avant d'être recrutée par Abdelmoumen Khalifa, l'ami de son mari, pour lui confier la préparation de l'Année de l'Algérie en France, mais sans contrat de travail. Elle se lance dans le projet durant 8 à 9 mois, et à ce titre, elle se déplace entre les villes algériennes et françaises. « Parlez-nous de ce bout de papier remis par Abdelmoumen et qui vous a permis de retirer une somme de 4 millions de dinars », lui demande la présidente. « C'étaient mes honoraires pour le travail que j'ai fait pendant 8 mois. Nous nous sommes entendus sur la somme de 5 millions de dinars. Il m'a remis un bout de papier pour récupérer la première tranche d'un montant de 4 millions de dinars de l'agence de Chéraga. Ce que j'ai fait. La somme était mise dans un carton que j'ai versé par la suite dans mon compte à l'agence Khalifa du Hilton », dit-elle avant de préciser qu'elle a remboursé le montant avec les intérêts au liquidateur. La présidente : « 5 millions de dinars comme honoraires. Que faites-vous pour avoir un tel salaire ? » Le témoin : « Je préparais les dossiers des artistes. » La juge : « Dieu seul sait combien de dossiers je traite et je ne pense pas atteindre un jour cette somme. » Le témoin : « C'est un travail colossal de 9 mois entre les contacts et les contrats avec les artistes. » La magistrate lui fait remarquer que ce montant de 5 millions de dinars n'était pas justifié par des documents comptables. Elle affirme avoir reçu une voiture de la part de Chaâchouâ Didine (qu'elle dit avoir restituée) dans le cadre de sa mission, ainsi qu'un montant de 1500 euros, remis par Abdelmoumen Khalifa pour se déplacer dans les villes françaises. Me Meziane lui demande si elle a bénéficié d'un crédit. Mme Hamiani est catégorique. « Jamais, les 5 millions de dinars sont mes honoraires. » L'avocat lui fait savoir que les pièces comptables font état d'un crédit de 5 millions de dinars et non pas d'honoraires. « C'est une erreur de la banque », dit-elle. Le procureur général demande la lecture des procès-verbaux (PV) de certains témoins non présents, notamment de Mohamed Raouraoua, président de la Fédération algérienne de football (FAF). La présidente explique que ce dernier, concerné par un mandat d'amener, s'est avéré être à Addis-Abeba. De ce fait, son témoignage sera lu à l'audience. Selon le PV d'audition, il a déclaré avoir trouvé la convention de sponsoring déjà signée par son prédécesseur, et il n'a fait que la renouveler en ajoutant un point. Celui de la prise en charge par Khalifa du transport aérien à l'extérieur du pays, des joueurs dans le cadre des compétitions à l'étranger. Il affirme que Abdelmoumen a offert à la FAF un bus et 7 Citroën (5 Saxo, une Xara et une C5), rendus à la liquidation en 2005. Il relève également que la convention porte sur la prise en charge totale des salaires des joueurs, du staff technique et des entraîneurs ainsi que des primes de matches gagnés. Khalifa a également offert une réduction de 50% sur les billets de Khalifa Airways pour la FAF et une autre de 100% pour les présidents de la FAF et de la Ligue nationale. Il reconnaît avoir été pris en charge, lui et le président de la Fédération internationale de football, Joseph Blatter, à bord de son avion privé, pour rejoindre Bamako, lors de la coupe d'Afrique en 2002, au Mali. Le témoin, Mostéfaoui, financier de Sonatrach, révèle avoir reçu des instructions de Chakib Khelil, PDG de Sonatrach, pour opérer les placements des excédents de trésorerie. Il fait un appel, et 8 banques répondent avec des offres dont Khalifa était en première position avec un taux de 12%. Il a demandé au PDG de la banque de lui transmettre les bilans des trois exercices, mais un seul lui est parvenu avec des anomalies graves qui l'ont poussé à ne pas placer l'argent de Sonatrach à El Khalifa Bank, en dépit, dit-il, de l'insistance de nombreux directeurs centraux réunis pour l'occasion. Il écrit au PDG en lui expliquant les raisons de cette décision. Le PDG exprime son accord, ce qui a épargné à la compagnie des pertes assurées. Le procès-verbal de Djaouida Djazourli concerne surtout le recrutement de Yasmine Kerramane, à Rome. Le témoin déclare que celle-ci a été recrutée par Abdelmoumen Khalifa. Elle déclare l'avoir reçue avant sur instruction de Djamel Guellimi, comme elle a, d'ailleurs, reçu Feryel Temmar, fille du ministre des Participations, Abdelhamid Temmar, pour un recrutement à Paris. Feryel Temmar, explique-t-elle, vivait au Canada. La présidente poursuit la lecture de plusieurs autres PV, avant de donner la parole aux avocats pour les questions complémentaires. Me Khaled Bourayou pose une question pour son mandant, Akli Youcef, allant dans la requalification des faits, afin d'atténuer les charges d'association de malfaiteurs et de vols qualifiés. La présidente lui explique que le tribunal se base lors de sa délibération sur des questions-réponses et qu'il ne peut toucher aux qualifications. L'avocat persiste et cite un cas où le tribunal criminel, agissant dans une affaire aux mêmes qualifications, a fait tomber l'association de malfaiteurs et de vols qualifiés pour garder l'abus de confiance. Le procureur général intervient et fait savoir à l'avocat que sa demande n'est pas constituée légalement. La présidente fait remarquer que la question n'a pas été posée. Me Bourayou lui cite l'article de loi qui dit que c'est au tribunal de la poser. La présidente précise : « Pour un seul accusé, elle a 412 questions, celles qui tomberont, elles le seront, et celles qui resteront, le resteront. Pour Benouis Lynda, j'ai ajouté une question relative à la participation ou non à l'abus de confiance. L'avis restera au tribunal. » Ce qui est jugé par les avocats sera considéré comme étant à l'avantage de l'accusée. La présidente informe que tous les documents remis lors des plaidoiries seront acceptés par le tribunal. Ce que la défense a applaudi. La magistrate cite la liste des parties civiles qui sont au nombre de 133. Ainsi, 48 avocats de celles-ci plaideront aujourd'hui, et ensuite ce sera au tour du parquet général pour faire son réquisitoire, probablement demain, puis la porte sera ouverte aux plaidoiries de la défense, au moins 150 avocats.