La clôture des assises nationales de l'industrie, nombreux étaient ceux parmi les représentants du monde des affaires à formuler le vœu de voir les suggestions émises effectivement prises au sérieux. De l'aveu même du ministre des Participations et de la Promotion des investissements, Abdelhamid Temmar, « celles-ci sont pertinentes ». Un souhait d'autant plus légitime qu'ils n'ont pu repartir du Palais des nations avec la certitude de se revoir de nouveau. Pourtant, plusieurs commissions se sont exprimées pour la consécration des assises en tant qu'instrument de gouvernance. Pour Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), il est de la plus haute importance d'instaurer un cadre de dialogue permanent où s'échangent les points de vue sur l'évolution et le pilotage de la stratégie sur le terrain. Pour cet industriel, les chances de succès de ladite stratégie seraient compromises s'il venait à l'idée des pouvoirs publics de guider ce projet par voie administrative. Bien que partageant les mêmes appréhensions, son collègue du FCE, Slim Athmani, patron de NCA Rouiba, se veut néanmoins optimiste dès lors qu'un minimum de plate-forme existe. « Il y a deux manières de conduire une voiture, soit vous regardez constamment dans le rétroviseur ou alors dans le rétroviseur et devant vous. Je préfère la seconde », dit-il avant de lâcher : « On verra ce qu'il adviendra avec le temps. » Outre la crainte de voir les suggestions « ignorées », les participants, dont des universitaires, ont été gênés par le fait que l'avant-projet de la stratégie industrielle soit dépourvu de cadrage statistique. La commission des choix industriels stratégiques a souligné « l'absence des projections industrielles des filières retenues ». En définitive, la stratégie n'a pas émis… d'objectifs mesurables. Pour un universitaire algérien résidant à l'étranger, « une stratégie sans objectif chiffré reste pour moi un vœu pieux ». Les rôles restent, également, confus entre l'entreprise et l'Etat. C'est le cas, par exemple, de la prise en charge des volets de l'innovation, de la recherche et du développement. Pour Abdelatif Benachenhou, « d'importants arbitrages seront nécessaires ». Cela étant, les opérateurs ne veulent pas croire qu'ils ont perdu trois jours pour rien alors que d'importantes recommandations gagneraient à être valorisées dans le document final. La commission qui s'est penchée sur l'environnement économique de l'entreprise a accompli, en fait, une forme d'audit des réformes en cours. Une nécessité qui s'est imposée alors que la mouture initiale avait pris pour postulat l'achèvement de l'ensemble des réformes. Les conclusions de cette commission ont été la photographie des obstacles quotidiens à l'acte d'investir. Elle préconisera, ainsi, de combattre les dérèglements observés dans la pratique du commerce extérieur, notamment dans l'importation, l'utilisation de carte d'acheteur des administrations et de grandes entreprises. De même, elle appellera au règlement des problèmes de discordance dans les taux des droits de douanes appliqués aux produits finis, semi-finis et matières premières et le suivi rigoureux des importations au regard des valeurs réelles. Des bases de données réactualisées sur l'environnement des affaires et les opportunités d'investissement, la simplification et l'allègement de la fiscalité, la création d'un marché sain du foncier industriel sont exigés au préalable. Le rapport insiste sur la motivation des banques à s'impliquer dans le financement de l'investissement productif. Il soulève, par ailleurs, le paradoxe entre le discours officiel faisant de la concurrence une règle immuable et l'instruction gouvernementale obligeant les entreprises publiques à se faire domicilier dans les banques publiques, ce qui accentue la segmentation et freine le jeu concurrentiel. « Oui au volontarisme, non à l'interventionnisme », disent les patrons. Idem pour la Banque d'Algérie qui doit apporter des réponses rapides sur sa politique des changes et l'achat de la devise à terme. La préférence de l'investissement national a été confirmée sans pour autant amoindrir l'apport incontournable de l'investissement direct étranger.