La ville de Sétif est célèbre pour beaucoup de choses : Aïn Fouara, l'Entente, son parc d'attractions, son marché de voitures et aussi ses cafés. Ces derniers sont très nombreux, c'est à ce propos qu'il a été dit qu'« à Sétif, entre deux cafés, il y a un café ». Malgré leur multitude, ils ne désemplissent pas. Matin et soir, les oisifs comme les travailleurs font partie du décor. Ils sont omniprésents, malgré l'insalubrité et des lieux sans aucune hospitalité, la piètre qualité des services et des produits qu'on y vend. Dans de très nombreux cafés sétifiens (90%), la propreté est absente, les cafards se baladent sur les murs, les tables, les verres et surtout dans les percolateurs. Les gâteaux sont exposés à l'air libre, à la merci de toutes les saletés. Le parterre comme les tables ou encore les cendriers ne sont nettoyés qu'à la fermeture des lieux et encore… Les toilettes, quand on peut y avoir accès (car elles sont fermées ou hors service), sont une copie parfaite des égouts qu'elles alimentent. Les verres et cuillères sont aussi un bouillon de culture idéal pour toutes les maladies possibles. Ces derniers sont nettoyés dans une bassine d'eau fangeuse qui fait office de plonge. « Regardez le cafard qui se promène sur les gâteaux, regardez l'eau vaseuse de la bassine dans laquelle sont lavés les verres. Le service d'hygiène ne fait absolument pas son travail, l'inspection du travail non plus, regardez les gamins qui travaillent dans les cafés », confie Abbès, jeune chômeur qui a déjà fait la plonge dans quelques cafés de Sétif. Il précise aussi que dans la plupart des cas, il n'était pas assuré, et parfois pas payé du tout. Les tenues des serveurs sont plus proches de la combinaison du mécanicien. Les garçons de café, qui n'aiment plus ce nom jugé dévalorisant, ont fait les grandes écoles du savoir-vivre. Ils servent le client, la cigarette au bec ou la main sortant du sac de chique. Le client, pour eux, n'est qu'une pièce de 10 DA et rien d'autres. Les produits servis, eux non plus, ne sont pas très nets : les gâteaux et autres pâtisseries, fabriqués dans des ateliers clandestins incontrôlés, sont exposés et servis sans aucune mesure de protection, le café moulu est, généralement, de très mauvaise qualité. Les cafetiers lui ajoutent même du sucre (et tant pis pour les diabétiques). Certains cafetiers récoltent les fonds de bouteille des limonades, rebouchent les bouteilles et les resservent aux clients. Tables et chaises sont, très souvent, brinquebalantes et ne supportent le client que par miracle. « Rares sont les établissements qui investissent pour pouvoir attirer la clientèle. Il est arrivé qu'on ne nous serve pas car les verres étaient tous chez les clients attablés, ou encore parce que le frigo était vide », nous raconte Alloua, un universitaire rencontré dans un café. « Dans certains cafés de Sétif, le client est traité comme un chien, il est mal reçu et mal servi. Des patrons de café ont mis à la porte des clients dont la tête ne leur revenait pas », témoigne Nabil, un habitué des cafés de Sétif. « Il existe normalement des services d'hygiène et de contrôle, où sont-ils passés ? », s'interrogent beaucoup de citoyens de l'antique Sitifis. « Etre patron de café ne signifie pas qu'on a tous les droits. Le café est un lieu public et tout le monde y est bienvenu, sinon, on peut ouvrir un club privé pour sélectionner sa clientèle. Ce sont des lieux de rencontre et de convivialité, les gens s'y rencontrent et s'y retrouvent pour diverses raisons. Ils ont droit à un cadre agréable et accueillant », nous dit Mohamed, un patron de café.