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Mourad Redjimi (Ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière)
ENTRETIEN « Il est temps de mettre un terme à l'anarchie »
Publié dans El Watan le 18 - 10 - 2004

Au moment où la Fédération nationale des travailleurs de la santé vient de mettre fin à son mouvement de protestation, l'ensemble des syndicats autonomes du secteur menace de recourir à une grève illimitée dans les semaines prochaines. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
Cela fait plusieurs années que le secteur de la santé occupe régulièrement la une des journaux pour ses grèves cycliques. D'une manière générale, je serais tenté de dire que ces accès sont comme la fièvre et donc le signe de bonne santé d'un corps animé et vivant. Cependant, et pour ce qui se passe aujourd'hui, beaucoup de ces menaces de grève ne se justifient pas et ne s'expliquent par aucune urgence socioprofessionnelle. S'il est normal qu'une corporation, qui n'a rien obtenu de conséquent ces deux ou trois dernières années, tente de se faire entendre, il est, en revanche, anormal, inadmissible et même indécent qu'un corps, qui a obtenu plus de 60% d'augmentation en deux ans, tienne un discours fait de dérives verbales et réclame ni plus ni moins que l'élimination du mérite intrinsèque à chacun. Mais je pense que la grande majorité des syndicats du secteur ne fait pas dans la provoc et pose réellement des problèmes de fond. Qu'il s'agisse du rôle du gestionnaire et des nuisances liées à sa fonction, de la progression universitaire des maîtres-assistants, de la place du praticien généraliste et de la revalorisation des postes supérieurs qui lui sont dévolus, de la nécessaire consolidation du pouvoir d'achat du paramédical ou de l'indispensable reconnaissance du rang magistral en sciences médicales en tant qu'élite loin de tout égalitarisme de conjoncture. Ces points et d'autres sont tous importants et doivent trouver progressivement des réponses consensuelles qui satisfassent tout un chacun.
Le Syndicat des praticiens spécialistes (SNPSSP) entame aujourd'hui une grève illimitée. Comment réagissez-vous à ce mouvement de contestation ?
Je dois dire d'abord que les revendications des spécialistes sont prises en charge. Le dossier est au niveau des instances concernées. Ils auront leur réintégration comme prévu et c'est imminent. Le décret de leur nomination se fera à partir d'octobre 2002 avec effet rétroactif sur le plan administratif. Pour le reste, nous sommes toujours en discussion et nous les invitons à d'autres rencontres pour faire aboutir ces revendications.
Vous avez déclaré à plusieurs reprises que les revendications des différents personnels de la santé sont prises en charge au niveau de votre département. Où se situe alors le blocage ?
Il n'y a aucun blocage ! Il faut juste savoir que le processus d'aboutissement d'une revendication (et uniquement lorsque cette dernière est légitime et exprimée en des termes réalistes) prend du temps. Ce qui peut paraître une urgence pour un syndicat sectoriel peut ne pas être prioritaire au niveau national. C'est un peu le cas, pour rester dans le secteur, du malade qui se présente au pavillon des urgences et qui voudrait passer le premier, alors que d'autres sont là avant lui : le médecin doit faire passer en priorité celui qui relève de l'urgence vitale et non pas celui qui gesticule peut-être beaucoup, mais qui peut attendre. Pour le moment, nous avons 17 projets de textes envoyés au comité ad hoc pour étude, et ils font tous l'objet d'une expertise et d'un suivi.
Des citoyens se sont plaints du non-respect du service minimum lors du dernier mouvement de grève. Quelles mesures comptez-vous prendre ?
Des instructions ont été données aux 48 wilayas pour faire le point sur tous les dépassements, la non-observance du service minimum, la non-observance de l'activité de garde et le refus de soins envers les personnes en danger. C'est en fonction d'un rapport de conclusion que des sanctions seront prises et des poursuites en justice engagées.
A partir de janvier 2005, les premières dispositions de la réforme hospitalière seront mises en application telles que le paiement des prestations. Quels sont les tarifs et comment comptez-vous organiser cette nouvelle forme de prise en charge des malades ?
Je n'aime pas beaucoup le terme de paiement, car si paiement direct il y a, il ne concernera qu'une infime minorité de citoyens « marginaux » qui ne sont ni affiliés à l'une des caisses de Sécurité sociale ni recensés en tant que démunis non assurés sociaux ! Les tarifs seront ceux que nous arrêterons en commun avec la Sécurité sociale, qu'il s'agisse des actes de consultation et de diagnostic ou des forfaits par pathologie. L'actualisation en cours de la nomenclature de remboursement tient compte aussi bien de la nécessité de se rapprocher de la réalité des coûts que du souci de veiller aux équilibres financiers de la Sécurité sociale qui doit impérativement être préservée en tant qu'édifice fondamental de la solidarité nationale. Cela étant, l'application sera progressive et, en cours de route, de nouveaux mécanismes de normalisation viendront probablement s'adosser à la nomenclature de remboursement. Je pense notamment aux stratégies de diagnostic et thérapeutiques et aux consensus thérapeutiques adoptés par les comités médicaux nationaux. Concernant l'organisation pratique de la contractualisation, il faut savoir qu'il s'agira pour l'usager de décliner son statut : les frais de prise en charge d'un assuré social seront assurés par la Sécurité sociale, alors que ceux d'un démuni non assuré social le seront par l'Etat à travers les structures de la solidarité nationale. Cette contractualisation permettra à chaque établissement d'avoir des ressources à la hauteur de ses activités réelles : plus on travaille, plus on a d'argent. Et c'est valable y compris pour la rémunération des personnels dans la mesure où en plus de la contractualisation des relations entre les établissements de soins et les bailleurs de fonds (Sécurité sociale, solidarité nationale, assurances économiques), il y aura aussi des cahiers des charges internes et propres à chaque établissement à l'effet de fixer les objectifs et de permettre l'évaluation du travail que fait effectivement chaque membre du personnel. Cette forme d'évaluation permettra de faire basculer la gestion du personnel dans la modernité et de mettre fin à l'égalitarisme en vigueur qui voudrait que celui qui ne fait aucun effort et ne fournit que peu de chose perçoit le même salaire que celui qui est performant et méritant.
D'importants hôpitaux spécialisés sont sous-équipés en imagerie médicale, notamment en scanner. Comment pensez-vous y remédier ?
La réforme prévoit deux volets qui sont la contractualisation et la modernisation. Votre question se situe dans cette seconde partie. La remise à niveau des structures s'inscrit dans un programme national. Donc, il faut engager une réflexion régionale. La priorité aujourd'hui est que les citoyens bénéficient des soins de base et dans le cas du manque d'un appareil, il y a la possibilité d'en faire bénéficier les malades dans d'autres établissements dans le cadre des conventions signées entre ces établissements. Certes, Il y a des insuffisances, mais je dois dire que la santé ne s'arrête pas à Alger. Nous avons un marché de sept appareils de ce type. Mais il y a des urgences au niveau d'autres structures au Centre Pierre et Marie Curie, à l'hôpital Mustapha, etc. Il faut également penser au manque considérable dans les autres wilayas du pays.
L'enregistrement à l'importation de médicaments et de matériels médicaux est toujours suspendu. Pourquoi ?
L'importation des équipements n'est pas suspendue. Quant aux médicaments, il y a un retard dans l'enregistrement. Il faut savoir que 3200 médicaments sont enregistrés, dont 750 essentiels. Il fallait réguler cette importation d'autant que des produits sont fabriqués en Algérie. Le secteur a connu trop d'anarchie. Il est de temps de mettre un terme.
Vous avez déclaré que la loi sanitaire sera examinée par l'APN lors de cette session. Les personnels du secteur exigent un débat autour de cette loi avant son examen. Comment allez-vous procéder ?
Ce n'est pas le personnel du secteur qui exige un débat, car ce débat a déjà eu lieu et a duré près de deux ans, mais un syndicat qui a été associé au débat, qui a reçu des exemplaires de l'avant-projet et qui a même transmis des remarques. Quand on entame un débat et qu'on estime avoir largement donné à chacun l'opportunité de s'exprimer, il arrive un moment où il faut finaliser le travail et le transmettre à qui de droit selon les procédures établies. Dans le cas de cet avant-projet de nouvelle loi sanitaire, l'ensemble des partenaires sociaux sans exception ont été sollicités. Ceux qui ont refusé de prendre part au débat, à l'une des étapes et pour quelque raison que ce soit, ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes et n'ont aucunement le droit de réclamer un nouveau débat qui ne ferait que retarder davantage l'examen de ce projet par les membres du Parlement qui en débattront au nom de tout le peuple, pour le bien du peuple et loin de toute vision étriquée ou intéressée. Le débat a donc eu lieu, la mouture enrichie sur la base des propositions faites et le seul autre débat qui reste se situe au niveau institutionnel (gouvernement, Parlement).
La Gendarmerie nationale vient de révéler que des grossistes en médicaments sont impliqués dans le trafic de psychotropes et la plus grande entreprise algérienne de production pharmaceutique est mise en cause. Quelles sont les mesures prises par votre département ?
Toute la réglementation concernant le produit pharmaceutique est en train d'être revue et actualisée. Il y a urgence. Pour les psychotropes, des textes sont en cours d'élaboration à l'effet d'assurer la traçabilité de ces produits de leur importation (ou production) jusqu'à leur consommation. Il faudra assurer la distribution de ces produits en toute sécurité pour le consommateur disposant d'une prescription médicale et veiller à protéger les groupes de population fragiles ou à risque.


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