Près d'une vingtaine d'années depuis le début de la libéralisation économique, entamée à la fin des années 80, les pouvoirs publics peinent à mettre en œuvre les mécanismes d'une véritable économie de marché. L'un des aspects de ces carences est lié notamment au manque d'une véritable dynamique de la concurrence. A la faveur d'une transition d'une économie totalement centralisée et administrée vers une économie de marché et de la libre entreprise, des notions, tel l'abus de position, ont fait irruption dans le jargon juridique algérien, notamment dans des secteurs libéralisés, à l'image des télécommunications. Des autorités de régulation ont vu le jour depuis. Les premières règles de la concurrence ont été contenues dans la loi relative aux prix de 1989, abrogée par l'ordonnance de 1995 qui consacrait entièrement les règles et mécanismes de la concurrence comme instrument de conduite de l'économie. L'aspect le plus important de l'ordonnance porte sur la création d'une autorité de la concurrence chargée de faire respecter les règles de la concurrence et la transparence du marché. Depuis cette date, l'administration est déchargée du rôle d'arbitre de la compétition économique et son pouvoir de sanction a été transféré au Conseil de la concurrence. Mais face aux modestes résultats obtenus depuis, il a fallu attendre une nouvelle ordonnance entrée en vigueur depuis juillet 2003. L'ordonnance n° 03.03 du 19 juillet 2003 relative à la concurrence a pour objectif de fixer les conditions d'exercice de la concurrence sur le marché ; de prévenir toute pratique restrictive de concurrence ; et de contrôler les concentrations économiques afin de stimuler l'efficience économique et d'améliorer le bien-être des consommateurs. Ce cadre législatif couvre l'ensemble des activités de production, de distribution et de services. Son champ d'application concerne également les activités des personnes publiques lorsque celles-ci n'interviennent pas dans le cadre de l'exercice de prérogatives de puissance publique ou dans l'accomplissement de missions de service public. En plus des pratiques d'ententes illicites et des abus de position dominante, la nouvelle ordonnance intègre entre autres, d'autres pratiques restrictives de la concurrence qui sont désormais interdites et sanctionnées, comme l'abus de l'état de dépendance économique (art. 11) ; la constitution de monopoles à l'importation par le biais de contrats d'achats exclusifs (art. 10 ; et la pratique de vente à des prix abusivement bas (art. 12). En matière de concentrations économiques, la nouvelle ordonnance reconduit la compétence du Conseil de la Concurrence en la matière. En effet, les agents économiques doivent notifier à ce Conseil leurs opérations de concentration lorsqu'elles sont de nature à porter atteinte à la concurrence et qu'elles atteignent un seuil de plus de 40% des ventes ou achats à effectuer sur un marché. Cependant, elle consacre une exception à ce principe en accordant la faculté au Gouvernement d'autoriser, lorsque " l'intérêt général le justifie ", les concentrations économiques rejetées par le Conseil de la Concurrence à chaque fois que des conditions économiques objectives le justifient, notamment pour " développer et assurer la compétitivité des entreprises nationales face à la concurrence internationale, créer de l'emploi et développer des technologies nouvelles ". Deux textes d'applications de l'ordonnance ont étés publiés depuis, à savoir le décret exécutif n° 05-175 du 12 mai 2005 fixant les modalités d'obtention de l'attestation négative relative aux ententes et à la position dominante ; et le décret exécutif n° 05-219 du 22 juin 2005 relatif aux autorisations des opérations de concentration. 80 saisines en 7 ans Pour le gouvernement, le nouveau dispositif est en " harmonie " avec les règles européennes de concurrence, dans la mesure où elle prohibe à travers ses articles 6 et 7 les pratiques et actions concertées, conventions et ententes expresses ou tacites ; ainsi que les abus de position dominante ou monopolistique sur un marché ou un segment de marché. Comme il instaure, en outre, à travers ses articles 40 à 43, un cadre de coopération entre le Conseil de la Concurrence et les autorités étrangères de concurrence, en vue " d'assurer la mise en oeuvre adéquate des législations nationale et étrangère et de développer entre ces institutions des relations de concertation et d'échange d'information et ce, dans le respect des règles liées à la souveraineté nationale, à l'ordre public et au secret professionnel ". Le nouveau dispositif apporte, par ailleurs, des enrichissements en ce qui concerne les attributions, l'organisation et le fonctionnement du Conseil de la Concurrence. La révision et l'amélioration du cadre organisationnel et juridique du Conseil sont motivées par " la faiblesse du bilan de l'activité de cette institution au cours des années passées et par l'inadéquation de son organisation et de son fonctionnement par rapport à l'importance du rôle que doit jouer une telle autorité en matière de régulation économique et de mise en oeuvre des règles de la concurrence ". Il a été procédé au renforcement de ses prérogatives en matière de contentieux, et à l'élargissement de son champ d'intervention sur le plan consultatif, organisationnel et de fonctionnement. Selon une contribution soumise par l'Algérie au forum mondial de l'OCDE sur la concurrence, en 2004, il apparaît clairement, que si la politique de la concurrence a eu un effet positif sur la libération des énergies et l'émergence de l'esprit d'initiative et de la libre entreprise, le comportement des entreprises n'a pas eu l'effet souhaité dans la propulsion et l'entretien du processus concurrentiel. La constitution de monopoles privés en remplacement des anciens monopoles d'Etat, surtout dans le secteur des importations a été soulignée. De 1995 à 2002, l'activité du Conseil de la concurrence fait ressortir un faible contentieux concurrentiel. Sur un nombre total de 80 saisines tout au long de cette période, seulement une dizaine concerne des pratiques restrictives de concurrence,selon le rapport, qui trouve " paradoxal " que la compétition économique semble toujours jouer entre le secteur privé et le secteur public et non à l'intérieur d'un même secteur. Le bilan révèle que l'ensemble des pratiques dénoncées relève de la pratique d'abus de position dominante par des entreprises du secteur public. " Cela peut paraître paradoxal lorsqu'on observe aujourd'hui que 80% de la valeur ajoutée du pays provient du secteur privé ", est-il ajouté. Le rapport accable l'activité du Conseil de la concurrence, qui " en dépit des pouvoirs que lui confère la loi, il n'a pas trouvé le chemin pour devenir l'autorité incontestable sur le marché ". Les rares sanctions qu'il a prononcées n'ont pas eu l'effet d'accélérateur de concurrence souhaité ni l'effet structurant du marché en général, puisque le consommateur, quant à lui, attend toujours de bénéficier des bienfaits de la concurrence, est-il relevé. Cependant, le Conseil bénéficie de circonstances atténuantes, puisque qu'il est signalé que l'opacité des relations commerciales induites par le marché informel perturbe le marché et annule le rôle régulateur et arbitral des autorités de concurrence. Contactés par nos soins pour avoir de plus amples détails sur le bilan des dernières années et les retombées des derniers ajustements législatifs apportés, les responsables du Conseil de la Concurrence n'ont pas jugé utiles d'éclairer nos lanternes.