Art et Culture, l'association organisatrice y est tenue, si elle veut contribuer à l'ambition du secteur de la culture de Témouchent de constituer un public de théâtre en commençant par le jeune public. Ainsi, la seconde édition aurait intérêt à s'écarter de l'approximation et du fourre-tout en excluant les troupes, dont les spectacles ne répondent pas à un minimum requis d'exigence artistique, voire éthique. En effet, certains spectacles présentés étaient d'une pauvreté affligeante, sans un brin de théâtralité, bien que les troupes qui les ont proposés étaient précédées d'une flatteuse réputation. Du coup, sur six représentations, deux seulement émergeaient du lot. Il y a eu Raïs Hassan présentée par la troupe Essayad de la maison de jeunes de Béni Saf, un spectacle réunissant tous les ingrédients, mais qui n'est pas bien passé auprès d'un public juvénile aussi hétérogène que celui qui s'était pressé durant une semaine à la maison de la culture. Si l'âge de certains leur permettaient de suivre de bout en bout une histoire, d'autres, plus jeunes, ne pouvaient maintenir une attention soutenue. Mais il n'y avait pas que l'âge. A ce propos, Hamou, l'animateur de la troupe, avait pertinemment relevé le hiatus entre sa pratique et celles d'autres troupes venues à Témouchent. En effet, Raïs Hassan passe très bien à Béni Saf comme au Sud où il a été présenté sous les palmes des dattiers, car à Béni Saf, Essayad a eu affaire à un public qu'elle a formé et habitué aux règles du genre ainsi qu'à l'écoute, et qu'au fin fond du désert chez les enfants des ksours, l'écoute est presque une seconde nature. Mieux, elle n'a pas été altérée par des troupes qui n'ont rien à voir avec le théâtre pour enfants. En ce sens, Art et Culture gagnerait à bannir ces spectacles ne proposant parfois aucune histoire, gorgées qu'elles sont de niaiseries et versant dans l'infantilisation, se contentant de l'excitation des sens pour l'excitation épidermique gratuite, provoquant les criaillements des enfants à coup de décibels et de tonitruants appels aux Ya aoulad, des cris d'hystérie prétendument d'états de jubilation fondant l'efficacité du « spectacle ». Par ailleurs, le fait que les journées aient proposé deux spectacles d'affilée, n'a pas arrangé les choses en terme de fatigue, alors qu'il aurait été plus judicieux de proposer un spectacle en matinée et un autre en après-midi. A cet égard, et pour maintenir l'attention et le calme, l'artifice a consisté à promettre un présent au spectateur qui aura répondu à une question sur le spectacle au baisser de rideau. Cela dit, la troupe Essayad n'est pas exempte d'amateurisme pour avoir perdu de vue la nécessaire compatibilité de ses moyens techniques avec ceux de la salle de spectacle, puisque le son enregistré en play-back ne passait pas sur la console de la maison de la culture. C'est dommage, d'autant qu'Essayad, avec ses 35 ans d'existence, excusez du peu, pousse l'exigence technique et artistique au point d'être l'unique troupe algérienne ayant inauguré l'utilisation de deux scènes superposées sur le Castelet, pour faire évoluer sur l'une et sur l'autre respectivement des marionnettes à fil et des marionnettes à gaine. Le second spectacle, le plus remarquable, a été proposé par la troupe Ould Abderrahmane Kaki, une troupe réellement professionnelle, respectueuse de son art. Shéhérazade, son spectacle, n'a pas souffert d'être présenté sur une scène (celle du Castelet) disposée sur une autre scène (celle de la salle), une immense salle peu adaptée à un théâtre de poche qu'est le théâtre garagouz. La compagnie mostaganémoise a dépassé cet écueil par un meilleur éclairage de la scène du Castelet et l'usage de figurines bien colorées et de dimensions conséquentes. Enfin, Shéhérazade a su intercaler des moments de détente pour soulager la capacité d'attention du public. Quant à la bande sonore, elle était aboutie avec un bruitage et des voix de comédiens sachant user de tous les registres. Alors, pour cela au moins, vivement la 2e édition des Journées de théâtre garagouz.