Les amendements controversés à la Constitution égyptienne ont été approuvés à plus de 75% lors d'un référendum largement boudé par la population et dénoncé par les juges chargés de le superviser comme entaché d'irrégularités. D'après le ministre de la Justice, Mamdouh El Marei, 75,9% des participants ont dit « oui » aux amendements proposés par le président Hosni Moubarak, avec un taux de participation de 27,1%. Mais des experts indépendants ou des ONG, comme l'Organisation égyptienne des droits de l'homme (OEDH), ont chiffré ce taux à seulement 5%, tandis que les Frères musulmans, principal groupe d'opposition, l'a estimé à 9%. « Le peuple est le vrai gagnant du référendum », a affirmé M. Moubarak hier. Toutefois, « malgré le fait que ces amendements représentent un saut qualitatif vers la progression démocratique, j'affirme de nouveau que la démocratie ne se réalise pas seulement par le biais de textes constitutionnels et législatifs, mais aussi par l'élargissement croissant de la participation (...) et l'extension de la culture démocratique », a-t-il ajouté. Il n'y avait aucun suspens sur l'approbation finale de la réforme, tous les scrutins étant systématiquement remportés par le pouvoir en Egypte. Pour l'opposition unie, qui a boycotté le référendum, comme pour des ONG des droits de l'homme et les Etats-Unis, dont l'Egypte est l'alliée, cette réforme, et le scrutin convoqué à la hâte, constituent des revers pour la démocratie. L'organisation professionnelle des juges a dénoncé des résultats entachés de fraude, annonçant son intention de boycotter les scrutins futurs. « Les juges se lavent les mains des résultats du référendum », a déclaré Ahmed Sabr, porte-parole du Club des juges. « Nous ne serons plus l'arbre qui cache la forêt. » Un des amendements controversés met fin à la supervision des élections par les juges, qui avaient déjà dénoncé les résultats des scrutins de 2005. Mais selon M. Sabr, ces derniers ont été empêchés de faire leur travail dès lundi, la tâche étant rendue impossible par le grand nombre de bureaux de vote à surveiller et l'ingérence des autorités qui ont « publié des instructions interdisant aux juges de se déplacer ». Des associations de la société civile contrôlant le scrutin ont aussi noté des irrégularités et affirmé que dans plusieurs cas, leurs observateurs n'avaient pas été autorisés à entrer dans les bureaux. « Une fraude flagrante a marqué les dernières heures du référendum », indique ainsi le centre Hicham Moubarak pour les droits de l'homme, relevant trois phases dans le vote : d'abord une très faible affluence, puis l'acheminement en bus par le parti au pouvoir d'électeurs et enfin le « bourrage des urnes ». Pour sa part, la presse égyptienne semble décrire deux événements différents : alors que les quotidiens pro-gouvernementaux saluent son « succès », la presse indépendante et d'opposition montre des bureaux de vote vides et des citoyens en colère. Pour le président, les amendements « donneront une impulsion à l'activité des partis », « protégeront la nation du danger du terrorisme » et en finiront avec « le commerce de la religion et les activités politiques illégales ». L'opposition l'accuse au contraire de verrouiller la transition politique face à la montée des islamistes. Les Frères musulmans, interdits mais tolérés et contrôlant un cinquième des sièges du Parlement, sont visés par un amendement qui interdit la création d'un parti sur une base religieuse. Certains amendements permettent aux autorités d'arrêter des suspects et de fouiller leur domicile sans mandat de perquisition. Le président pourra aussi soustraire à la justice ordinaire les personnes soupçonnées de terrorisme et les déférer à des tribunaux militaires et d'exception.