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Les hommes blues
Musique-Tinariwen, groupe targui contemporain
Publié dans El Watan le 05 - 04 - 2007

Tinariwen représente les ishoumar, jeunes Touareg livrés au travail précaire et à l'exil, et fondateurs de la musique contemporaine targuie. Leur succès mondial tient autant à leur poids politique qu'à leur talent.
La World Music ne jure plus que par ce nom. Magazines télévisés et journaux culturels d'Europe et d'ailleurs leur consacrent de plus en plus d'espaces. Tinariwen, une sonorité trop proche pour nous être étrangère. Une dizaine de morceaux suffisent pour tomber amoureux de leur musique. A mi-chemin entre le rock et le blues, les guitares électriques et acoustiques flirtent avec la musique traditionnelle targuie. A la fois hypnotique et lancinante, la musique de Tinariwen apparaît comme hors du temps. Si Athman Bali les a connus, il a dû certainement les apprécier... En peu de temps, le monde de la musique leur a taillé une aura immense. On retrouve ainsi sur les nombreux sites qui parlent d'eux des présentations toutes aussi élogieuses, telle celle-ci : « Il y a une légende écrite sur le sable du désert du Nord malien. Une légende qui tient en une image : celle d'un des musiciens de Tinariwen, qui, lors des émeutes de 1990 contre l'Etat malien, allait au combat avec une Kalachnikov et une guitare électrique. Comme souvent avec les légendes, il importe moins de savoir si elle est exacte ou si ce qu'elle dit est juste. » Il est certain que le marketing n'est pas étranger à ces affirmations mais l'histoire du groupe s'inscrit bel et bien dans un espace social et historique précis. Le groupe existe depuis 28 ans, mais ce n'est que ces dernières années que leur réputation s'est échappée des dunes pour gagner le monde. Sous l'étiquette très tendance, Blues du désert, se cache un groupe de sept artistes maliens, issus de la région de Kidal, au nord-est du pays. En tamachek, Tinariwen, (de taghreft tinariwen, soit « l'édification des pays »), signifie « tous les déserts ». Ils viennent de sortir leur troisième album, Aman Iman (adage qui signifie « l'eau, c'est la vie »), enregistré en studio, à Bamako en un temps record. En 2004, le groupe s'était signalé par l'album Amassakoul (Le voyageur du désert), enregistré également à Bamako, après un premier opus réalisé dans les locaux de la radio de Kidal qui fonctionne à l'énergie solaire. Découvert en France par l'entremise du groupe angevin Lo'Jo, Tinariwen a été la voix de la rébellion targuie au Mali. Certains de ses membres ont connu la révolte de 1963, tous ont vécu celle qui débuta en 1990. La répression qui s'ensuivit a provoqué le premier courant migratoire des populations touareg vers l'Algérie et, dans les années 1970, les musiciens de Tinariwen ont dû se réfugier à Tamanrasset. Puis, les effets cumulés de la grande sécheresse de 1973-1974 ont entraîné un exil massif vers les grandes villes du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Si la diaspora semble se construire autour de l'urbanité, l'exil est marqué par l'errance. Pour la plupart, les jeunes Touareg abandonnent l'élevage, et alternent travail précaire et chômage. On les désignera désormais sous le nom d'ashamour (au pluriel, ishoumar), altération en tamazight du mot français « chômeur ». De là, les générations de l'exil vont élaborer une nouvelle réflexion politique, dont l'aboutissement serait la lutte pour une justice sociale et l'un des moyens, la recherche de nouvelles formes d'expression artistique. Tinariwen en est l'émanation.
Eveil et merveilles
Les plus anciens du groupe ont séjourné dans des camps d'entraînement en Libye, où la première mouture de la formation a vu le jour en 1984. Jusqu'à l'accord de paix, signé à Alger le 26 mars 1992 entre le gouvernement malien et les représentants de la rébellion, la musique et les chants de Tinariwen portaient vers un seul but : la transmission d'un message révolutionnaire. D'où cette image culte d'un des membres du groupe, Keddu Ag Hossad, auquel est attribuée l'image du combattant à la Kalachnikov et à la guitare électrique, lors de l'assaut du poste militaire malien de Menaka près de la frontière nigérienne. Selon Francis Dordor, apparemment le biographe du groupe, cité dans les livrets d'albums, cette épopée serait liée à « offensive du 30 juin 1990 qui amorce la seconde rébellion touareg qui durera 3 ans et fera des milliers de victimes ». Les poésies chantées de Tinariwen appellent effectivement à l'éveil politique des consciences et abordent les problèmes de l'exil et de la répression. Le groupe s'est tout d'abord produit dans cette période d'exil avec une inégale constance avant d'évoluer peu à peu vers une formation complète, notamment en intégrant des choristes féminines pour mieux valoriser la musicalité du groupe et la rattacher à celle, traditionnelle, des campements. Tinariwen se produit alors en toutes circonstances, telles que les fêtes traditionnelles. Au fil du temps, le groupe devient plus qu'un symbole, une légende vivante de la musique contemporaine targuie. Une musique qui emporte les sens dans un voyage lentement rythmé au pas du chameau. La mélodie se base sur les guitares électriques et acoustiques, et d'autres instruments à corde traditionnelles des Touareg, comme le téhardant et le n'gouni. Une première voix démarre le chant, avant d'être suivie par les autres musiciens et les chœurs féminins. Le tout s'appuie sur le djembé, instrument à percussion africain, et les battements de mains qui restituent l'ambiance et la tradition musicale des campements nomades. Rock aux mains et blues à l'âme, pourrait-on dire. Une mélancolie lancinante serpente tout au long de cette musique qui incarne bien la charge poétique du désert mêlée à sa dureté. Le chant âpre et les guitares électriques ont d'irrésistibles accents de blues. Sur le site youtube.com, plusieurs vidéos du groupe sur des scènes de festivals sont accessibles. Les djellabas et chèches n'empêchent pas les Tinariwen d'avoir une véritable attitude de rockeurs. Difficile de résister à leur musique. De grands noms de la scène internationale ont déjà succombé à leur charme : Carlos Santana, Robert Plant, Elvis Costello, Taj Mahal, Thom Yorke, excusez du peu. On pourrait résumer leur musique à une belle expression du genre : un vent de blues venu d'au-delà les dunes et les larmes. Mais ce serait caricatural et réducteur. Si de l'autre côté de la Méditerranée, Tinariwen apporte surtout un souffle exotique, ici, leur musique prend une dimension beaucoup plus politique. En attestent leurs textes autant que leur musique. Le blues, avec sa gamme tordue comme une vieille branche, sèche sous un soleil de plomb résolument africain et qui, dépouillé de ses apparats exotiques, apparaît dans toute sa crudité et sa splendeur. Il n'en reste pas moins le son de guitare rudimentaire, électrifié par un bidouilleur de génie, une basse obsédante, les peaux des mains et des tambours qui battent comme un cœur ému, espérant, ou traqué. C'est ce qui émane de l'album Amassakoul 'n'ténéré (2004), première et émouvante production du groupe. Sans comprendre hélas le sens des mots, on ressent néanmoins l'infinie mélancolie qui s'en dégage. Dans cette complainte, le voyageur du désert est comparé à ceux, nombreux, qui marchent ensemble main dans la main, mais dont le chemin n'a aucun sens. Leur nombre important ne réduit pas pour autant leur solitude. Le 3e morceau de cet album, Chatma (mes sœurs) parle du feu de la rage et de la colère, de la souffrance et des misères des Touareg et s'adresse aux sœurs pour qu'elles appellent au rassemblement de tous les hommes qui doivent se battre. Arwan est sans doute le plus beau morceau de l'album : un rock doux mâtiné de blues profond. Les youyous des femmes, comme des cris de terreur ou des pleurs désespérés, donnent des frissons dans le dos. La douleur et la tristesse sont palpables, comme au lendemain d'un désastre.
Succès et fidélité
Les chants mêlent le tamashek au français et à l'arabe. « Agadez, Kidal/ Tamanghassat, Ingall/ Ikallan'n muhagh/ Ikallan 'n mujar/ Ikallan 'n shinkad/ Ikallan 'n tilyaden/ Ti'knanen tihussay » (Agadez, Kidal/ Tamanrasset ingall/ Pays des Imuhagh touareg/ pays des dromadaires/ Pays des gazelles/ Pays des jeunes filles/ réputées pour leur beauté) « (...) Aujourd'hui je suis là, mais demain je ne sais pas, parce que la vie c'est comme ça, les enfants de chez moi, ils souffrent dans tous les cas (...) » Le sublime album Amassakoul s'est placé, dès sa sortie, dans tous les charts anglo-saxons. Il embarque ses auteurs dans un tout autre périple, celui des plus grands festivals de musique où Tinariwen se retrouve à diffuser les traditions targuies ancestrales, suscitant sur son passage l'engouement des producteurs et des maisons de disques et l'émerveillement des publics qui les découvrent. Lorsqu'un groupe traditionnel, d'Afrique ou d'ailleurs, connaît le succès en Europe, on peut s'attendre — et les exemples ne manquent pas — à une occidentalisation de leur musique dans l'album suivant. Heureusement, ce n'est pas le cas pour Tinariwen, dont le dernier album est sorti le mois dernier. Aman Iman se présente même comme un retour aux sources, un désir de rattraper plusieurs mois d'éloignement du désert pour cause de tournées dans le monde. Au détour de quelques sites africains, on apprend que le groupe aurait voulu enregistrer cet album dans son campement, près de Kidal, mais qu'il était trop difficile ou trop cher de déplacer tout l'équipement nécessaire dans le désert. Au final, il a été réalisé dans le studio de Ali Farka Touré à Bamako, avec Justin Adams, le guitariste de Robert Plant, aux commandes, à 1600 km de leurs dunes. Pour cela sans doute, Aman Iman transpire davantage la mélancolie de l'exil et les chants de la solitude. Le succès de Tinariwen ne l'a pas détourné de son histoire. Pour preuve, le titre-hommage au leader d'opinion targuie du Niger, Mano Dayak, qui a écrit de nombreux ouvrages sur la culture et la politique. Une autre chanson, intitulée 63 évoque l'année de la rébellion des Touareg de l'Adrar des Ifoghas qui fut sévèrement réprimée par le jeune Etat malien. Cler Achel, le premier titre, établit un lien ou un fil conducteur entre les deux albums. En l'écoutant, on retrouve le groove naturel et chaloupé, les battements de mains et la franche invitation à la danse qui caractérisent le style du groupe. Mais, très vite, l'album reprend une tournure plus intimiste, affichant un blues anachronique où pleurent des guitares mélancoliques. Une fois de plus, les musiciens parviennent à établir un pont talentueux entre tradition et modernité. La symbiose est si naturelle que ces deux notions paraissent finalement n'avoir aucun sens. En Europe, Aman Iman est déjà classé parmi les pépites de 2007, tous genres confondus, avec, en post-it, cette recommandation : résolument indispensable !


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