L'imzad est l'instrument symbole de la culture des Touareg. Les jeunes filles commencent à s'y intéresser mais timidement ; par contre, le tifinagh, l'écriture targuie, n'est pas encore bien présent. Tamanrasset De notre envoyé spécial Lorsque la femme targuie joue de l'imzad, tout le monde se tait. « Le jeu de l'imzad est un cérémonial sérieux, ce n'est pas un amusement. Cette musique est presque sacrée. Le respect de l'imzad est une tradition bien ancrée », a expliqué, hier à la maison de la culture de Tamanrasset, l'universitaire Nouredine Benabdallah lors d'un conférence sur « Les cultures orales » à la faveur de la tenue du deuxième Festival national de la chanson et de la musique amazighes. Selon lui, le jeu en cercle de l'imzad est inspiré des représentations naturelles que sont le soleil et la lune. « La présence du cercle remonte déjà au temps des Pharaons. Les cercles funéraires de la région de l'Ahaggar témoignent de l'ancienneté de cette forme et de sa signification sociale », a-t-il expliqué. Revenant sur la matière de fabrication de l'imzad, qui est un vieux monocorde présent uniquement dans la société targuie, il a rappelé que cet instrument est fait à base de crins de cheval. « Le choix du cheveu n'est pas le fait du hasard. Il a un sens poétique. Les cheveux chatouillent, et la poésie chatouille les sentiments », a-t-il expliqué. La femme est, d'après lui, le symbole de la sensibilité : « C'est la raison pour laquelle elle est la seule à jouer de l'imzad. L'homme l'accompagne avec le chant qui est basé sur la poésie. Et la poésie dans la société targuie est une parole qui nécessite d'être écoutée », a relevé Nouredine Benabdallah. Des intervenants au débat ont remis en cause la thèse du caractère sacré de l'imzad en disant que les Touareg écoutent la musique « comme tous les autres peuples ». Selon Taous Saâda, inspectrice générale au ministère de la Culture, l'Algérie est pleinement engagée dans le processus d'inscription par l'Unesco de l'imzad dans la liste du patrimoine universel. Cette demande doit être faite également par la Libye, le Niger et Mali, pays où vivent les Touareg, pour que l'organisme onusien s'intéresse à la question. L'Association de sauvegarde de l'imzad que dirige Farida Sellal organisera du 14 au 16 janvier 2010 un colloque international sur cet instrument et son rapport entre la modernité et la tradition. La manifestation, qui sera accompagnée d'activités artistiques, aura lieu à l'université Hadj Moussa Akhamoukh et à la maison de la culture. Hamza Mohamed, qui a animé une conférence en tamachaq, est revenu sur le tifinagh, l'écriture targuie. « Le tifinagh est un symbole et une identité. C'est une écriture qui fixe les idées autant que les autres. Beaucoup de chercheurs estiment que le tifinagh a pour origine l'écriture libyique. D'autres pensent qu'il est aussi ancien que les écritures sumériennes », a-t-il expliqué. D'après lui, même du temps des romains, le tifinagh existait. Le tifinagh autant que le tamachaq ont, selon ce chercheur en tamazight, des variantes entre les différentes régions où vivent les Touareg. D'ailleurs, le tamachaq s'écrit autant avec le « ch » qu'avec le « h », qu'avec le « z ». « La légende raconte que Amamellan a inventé des mots accompagnés de sons pour transmettre un message d'amour à une jeune fille. Il est donc l'inventeur du tifinagh. Mais, il y a d'autres thèses sur l'origine ce cette écriture. Et, il est venu le temps de réhabiliter le tifinagh », a estimé Hamza Mohamed. Dimanche soir, le jeune chanteur Mesbahi Abdallah de Djanet a fait sensation à l'esplanade de la maison de la culture. Il est le digne héritier du défunt Athmane Bali. La troupe Takouba de Tamanrasset en a fait de même. Dans la journée, des concours sont organisés entre la douzaine de groupes de musique targuie, mozabite, chaouie et kabyle. D'après Taous Saâda, le ministère de la Culture, qui a en grande partie financé la manifestation, a décidé de fixer le Festival à Tamanrasset en l'institutionnalisant. Le festival sera annuel. Elle a rappelé les sélections régionales des groupes et chanteurs qui ont eu lieu à Béjaïa, Khenchela, Illizi et Ghardaïa avant la finale qui est le festival lui-même. « C'est une compétition pour sélectionner les trois meilleures troupes au niveau national. Le but est de mettre en exergue les jeunes talents et de les mettre en contact avec leurs aînés. C'est un échange d'expériences et de connaissances. Les jeunes talents seront accompagnés », a précisé Taous Saâda. Aussi, les lauréats du festival seront aidés pour produire leurs premiers CD. Selon elle, la chanson targuie n'est pas marginalisée. Elle a cité l'exemple de la réputation internationale de Athmane Bali. « Il avait travaillé la musique en ajoutant des sonorités telles que le jazz. L'imzad est également connu au niveau mondial », a-t-elle noté. « La chanson amazighe est l'expression de l'Algérie plurielle et unie. Autant on est uni autour du foot, autant on l'est aussi autour de culture », a-t-elle ajouté.