L'onde de choc des terribles attentats de mercredi qui ont endeuillé l'Algérie a traversé le pacifique pour atteindre les Etats-Unis. A Washington comme à New York, l'attaque du 11 avril a brutalement ravivé le triste souvenir du 11 septembre 2001 et le fantôme d'Al Qaïda. Avec une grande photo montrant deux cadres en costume maculés de sang, affalés autour du carrefour du palais du gouvernement et les bras levés au ciel, le Washington Post de jeudi ouvre sa Une sous le titre « La branche d'Al Qaïda revendique les explosions en Algérie ». Pour ce journal, il ne fait pas l'ombre d'un doute que ces attentats constituent une preuve qu'Al Qaïda du Maghreb islamique est montée d'un cran dans sa violente stratégie. « Nous sommes en train d'assister à l'ouverture d'un nouveau front du djihad (…), les événements observés au Maroc mais plus clairement les attentats d'Alger le montrent parfaitement », commente Bruce Riedel, ancien expert et analyste de la CIA et du conseil de sécurité américain au Proche-Orient pour le Washington Post. Ces derniers attentats sont considérés par les experts cités par ce journal comme autant de signes que le GSPC et les autres groupes opérant au Maroc, entendent multiplier des opérations spectaculaires sous la bannière d'Al Qaïda au Maghreb, en Irak et même en Europe. Pour le Washington Post, les explosions d'Alger qu'il décrit avec minutie tout au long de sa page internationale, constituent « une déclaration ». De guerre évidemment. L'article cosigné par un staff de journalistes met en relief la connexion « évidente » entre les groupes terroristes marocains et algériens bien que certains officiels du royaume refusent d'y voir un quelconque lien. Le Washington Post cite le ministre marocain de l'Intérieur, Chafik Benmoussa, qui déclarait que les kamikazes de Casablanca « opéraient tous seuls et qu'ils n'avaient pas de connexion internationale ». Or, écrit encore le Washington Post, Mohamed Darif, expert des affaires terroristes à l'université Hassan II, estime que « c'est un mythe de considérer que le groupe ayant commis les attentats de Casablanca agissait seul », et prévient les autorités marocaines de prendre « au sérieux ces alertes ». Le journal de la capitale des Etats-Unis a donné également la parole à l'expert de l'office du contre-terrorisme du gouvernement allemand, Guido Steinberg, qui travaille actuellement comme analyste à l'Institut allemand des affaires de sécurité internationale. Pour ce dernier, « avec ces attentats (Alger et Casablanca) nous savons désormais que la nouvelle organisation – Al Qaïda Maghreb ndlr – peut perpétrer des actes terroristes à un niveau qu'elle n'était pas capable d'atteindre avant ». Le Washington Post qui a fait de la nébuleuse d'Oussama Ben Laden l'angle d'attaque de son compte rendu de jeudi, a fait de longs rappels des menaces vidéo de Aymen Zawahiri mais aussi de l'attentat de Bouchaoui contre le bus de la firme BRC et celui de Aïn Defla qui avait ciblé des ressortissants russes en Algérie, en décembre dernier. Il rappelle également la déclaration du DGSN, Ali Tounsi, selon laquelle « leur menace – les terroristes – ne nous fait pas peur (…), s'ils pouvaient faire quelque chose ils l'auraient déjà fait ». Le Washington Post a illustré son long article par trois photos dont l'une offre un décor cauchemardesque du palais du gouvernement au milieu d'un nuage de fumée noire. L'autre grand journal américain, The New York Times, a lui aussi fait des attentats d'Alger son sujet du jour. Une terrible photo éclatée sur presque une demie page montre trois agents de la Protection civile qui évacuaient une victime devant une épaisse fumée et un tas de ferraille jonchant la chaussée à proximité du palais du gouvernement. « Deux attaques suicide de la branche Al Qaïda tuent au moins 23 personnes en Algérie », titre ce journal dont la terrifiante photo de Reuters parle d'elle-même. Comme le Washington Post, le journal new-yorkais a consacré quasiment le même espace à l'événement. Tout au long d'une page, le film des attentats est minutieusement raconté, par le texte, la photo et les données infographiques. De même qu'il rapporte les déclarations de Belkhadem et celles de notre confrère d'Al Khabar, Mahmoud Belhimeur, pour mettre en exergue le caractère « surprenant et choquant » de ces attentats. Le New York Times s'est appesanti sur le passif du GSPC et son allégeance à Al Qaïda en notant qu'il a « certes perdu beaucoup de ses troupes qui se sont repenties dans le cadre de la réconciliation nationale mais que, ces deniers temps, le nombre de ses recrues qui ont rejeté cette politique a augmenté ». Il y écrit également que le GSPC version Al Qaïda Maghreb a enregistré l'arrivée de beaucoup de nouveaux terroristes constituant ainsi un vrai réseau en Afrique du Nord. « La préoccupation est de savoir qu'Al Qaïda du Maghreb islamique veut désormais atteindre des objectifs plus larges que ceux d'aujourd'hui », analyse Rear Adm, William H. Mc Raven, commandant des forces spéciales américaines stationnées à Stuttgart, en Allemagne, interrogé par le New York Times. Tout en rappelant que les forces spéciales des Etats-Unis sont « en train d'aider et d'entraîner les armées des pays de l'Afrique du Nord pour combattre les terroristes », le journal note néanmoins qu'il a été enregistré « un regain des attentats depuis le mois de décembre dernier ». Le New York Times a consacré par ailleurs de larges extraits aux images diffusées sur le net par Al Qaïda, et à l'appel téléphonique de son porte-parole, revendiquant les attentats. S'agissant des médias audiovisuels, les principales chaînes de télévision américaines ont ouvert leurs journaux de mercredi après-midi – soit juste après les attentats – par les images apocalyptiques du palais du gouvernement tout feu tout flamme. CNN, CBS, NBC et ABC passaient en boucle l'horreur d'Alger. Les journalistes algériens qui suivent le célèbre programme Edward, R. Murrow ici à Syracuse dans l'Etat de New York, ont reçu les condoléances de tout le monde, y compris de la part d'anciens hauts responsables du département d'Etat et autres éminents universitaires.